La transition ratée vers l’Immatriculation en ligne en RDC



 POLITICO.CD plonge dans l’abysse du nouveau système d’immatriculation en ligne de Kinshasa. Promesses non tenues, un échec retentissant et un silence officiel assourdissant. Des autorités qui se frayent un chemin à travers un système défaillant, laissant le citoyen lambda face à un écran d’erreur. Suivez notre enquête détaillée, subdivisée en chapitres captivants : « La Promesse Technologique Brisée », « Une Elite Au-Dessus des Loi », et « Des rues sans lois ».

La République Démocratique du Congo est à l’aube d’une révolution numérique dans l’administration publique avec le lancement par le Ministère des Finances d’une nouvelle plateforme en ligne pour les immatriculations de véhicules. Présentée comme une solution innovante à la bureaucratie endémique, la plateforme devait rationaliser le processus d’obtention des plaques d’immatriculation et des cartes grises, promettant ainsi un service plus rapide et transparent pour les citoyens congolais.

La Promesse Technologique Brisée

Ce pas vers la digitalisation est une réponse à une demande croissante de services gouvernementaux plus accessibles et efficaces, reflétant l’engagement de la RDC à moderniser ses infrastructures et à répondre aux besoins de sa population grandissante et de plus en plus urbaine. Le communiqué du Ministère des Finances, publié en début d’année, promettait de résoudre les problèmes de files d’attente interminables et de corruption en simplifiant la procédure administrative grâce à cette innovation technologique.

Pour les citoyens, l’annonce suscitait à la fois de l’espoir et de la méfiance, conscients de la portée de ce projet mais aussi des précédents échecs dans les initiatives de digitalisation. Le passage à une plateforme numérique pour les immatriculations était censé éliminer le besoin de se rendre physiquement dans les bureaux de la DGI, permettant de gagner du temps et de réduire les opportunités de corruption en diminuant les interactions directes avec les fonctionnaires.

Le lancement, prévu en mars 2024, devait marquer une nouvelle étape dans la lutte contre l’inefficacité et l’opacité administrative. La RDC s’alignait ainsi sur les meilleures pratiques mondiales, cherchant à améliorer son image et à attirer des investissements étrangers par une meilleure gouvernance. Le système devait aussi s’interfacer avec la base de données douanières pour assurer une synchronisation en temps réel des enregistrements de véhicules importés, réduisant ainsi les risques de fraudes et d’erreurs.

Un Système Défaillant

POLITICO.CD a entrepris de tester la plateforme à travers plusieurs démarches. Nous avons sélectionné cinq véhicules récemment importés et dont la douane a été réglée, une information que nous avons pu confirmer grâce à des documents officiels. Chaque véhicule a été soumis au processus d’enregistrement en ligne pour l’obtention des plaques d’immatriculation.

À notre grande déception, chaque tentative a rencontré le même message d’erreur sur la plateforme en ligne : « Ce véhicule peut ne pas avoir encore été déclaré car il n’a été retrouvé dans le système SYDONIA. Veuillez régulariser avec la DGDA« . Ce message suggérait un problème de synchronisation entre les bases de données de la DGI et de la DGDA, qui gère les déclarations en douane des véhicules importés.

Notre investigation ne s’est pas arrêtée là. Nous avons élargi notre test à cinq autres véhicules déjà en circulation dans les rues de Kinshasa mais qui n’avaient pas reçu leurs cartes rose (carte grise). Les résultats furent identiques, exposant des lacunes dans le fonctionnement de la plateforme nouvellement lancée.

Confrontée à cette impasse, notre équipe a tenté de contacter le service clientèle par les numéros de téléphone fournis par la DGI. Après de multiples appels et une persévérance à toute épreuve, nous avons finalement obtenu une réponse. Un opérateur, joint au numéro indiqué, a admis des « problèmes techniques » tout en restant vague sur les détails et les délais de résolution.

Plus troublant encore, des sources internes à la DGDA, sous couvert d’anonymat, ont confirmé que le système était inopérant, plongeant ainsi les usagers et les fonctionnaires dans une attente incertaine. Ces révélations mettent en lumière une brèche importante entre la politique de digitalisation et son application sur le terrain.

Favoritisme et Dysfonctionnements: une élite au-dessus des lois

Face aux défaillances constatées sur la nouvelle plateforme d’immatriculation en ligne de la RDC, POLITICO.CD a intensifié ses efforts pour obtenir des réponses de la Direction Générale des Impôts (DGI). L’objectif : comprendre l’ampleur des « problèmes techniques » affectant le système et les répercussions pour les usagers.

Les démarches ont débuté par une série d’appels aux numéros fournis par la DGI. Une suite d’essais infructueux qui se heurtaient à des lignes saturées ou à des réponses évasives. L’insistance de notre équipe a fini par payer lorsqu’un opérateur, joint après plusieurs tentatives, a reconnu du bout des lèvres l’existence de complications techniques. La prudence était de mise dans ses propos, mais l’aveu était là : « Nous sommes conscients de certains soucis impactant la plateforme, et nos équipes techniques s’efforcent de les résoudre« , a-t-il concédé sans préciser de délai pour la résolution complète des dysfonctionnements.

Les témoignages de sources internes à la DGDA, recueillis sous condition d’anonymat pour leur protection, ont offert un éclairage supplémentaire sur la situation. Selon ces informateurs, le système en ligne est loin d’être opérationnel, et la délivrance de nouvelles plaques d’immatriculation se trouve à l’arrêt. « Le système est bloqué depuis plusieurs semaines, et aucune solution n’est actuellement disponible pour les citoyens », confie l’un d’entre eux. Ce constat interne tranche avec la communication officielle qui vantait l’efficacité et la simplicité du service digital.

Plus préoccupant encore, des allégations d’un système à deux vitesses ont émergé. Des fonctionnaires de rang supérieur seraient parvenus à obtenir des plaques pour eux-mêmes ou pour des connaissances en contournant les procédures standard, laissant les citoyens ordinaires face à un service défaillant. « Certaines plaques sont délivrées en dehors du système à des individus privilégiés, tandis que le grand public est laissé pour compte« , révèle une autre source.

Ces allégations, corroborées par des sources internes sous couvert d’anonymat, décrivent un système où les relations et les influences personnelles prévalent sur le principe de service public équitable. En effet, des fonctionnaires de haut niveau auraient fait produire des plaques d’immatriculation pour des véhicules de leurs proches ou alliés politiques, contournant les blocages de la plateforme en ligne. « Nous avons vu des dossiers passer directement entre les mains des responsables, sans passer par la procédure en ligne. Ces plaques sont ensuite produites et délivrées en dehors des canaux officiels« , confirme une source au sein de la DGI.

Cette dualité dans l’accès aux services d’immatriculation souligne non seulement un problème technique, mais aussi une faille dans l’éthique administrative, remettant en question la promesse d’une digitalisation inclusive et transparente. Des citoyens expriment leur mécontentement face à ce qu’ils perçoivent comme une injustice : « Nous suivons les règles, mais nous sommes bloqués. Pourtant, nous voyons de nouveaux véhicules avec des plaques qui semblent avoir été obtenues du jour au lendemain« , déclare un automobiliste qui attend depuis plusieurs semaines la régularisation de sa situation

Des rues sans lois

Depuis plusieurs années, la RDC est confrontée à une crise notable des permis de conduire, exacerbée par des annonces officielles répétées promettant une résolution imminente qui ne s’est jamais matérialisée. Cette pénurie de permis, couplée aux dysfonctionnements du système d’immatriculation en ligne, a mis en évidence une crise plus profonde dans la gestion des services publics de la circulation.

Les tentatives de POLITICO.CD pour comprendre les racines de cette pénurie et les raisons de l’échec des promesses gouvernementales ont rencontré des obstacles considérables. Des demandes répétées d’information auprès de la Direction Générale de la Migration, responsable de l’émission des permis de conduire, ont été ignorées ou redirigées sans résultat concret.

Des interviews avec des citoyens, des experts en transport et des sources anonymes au sein des agences gouvernementales révèlent un tableau de négligence et de désorganisation. « Nous avons reçu des assurances que de nouveaux permis seraient disponibles d’ici un mois, et cela fait déjà plus d’un an. On nous demande de patienter, ou pire, on nous oriente vers des ‘solutions alternatives’ qui ne sont rien d’autre que des démarches non officielles avec des frais gonflés, » explique un instructeur d’auto-école visiblement frustré.

La situation est devenue tellement critique que certains citoyens ont recours à l’utilisation de vieux permis expirés ou à des permis étrangers pour éviter les tracas administratifs. « Sans permis valide, on ne peut ni assurer notre véhicule correctement, ni nous conformer à la loi. Mais que pouvons-nous faire quand les autorités ne fournissent pas ce service essentiel ? » se lamente un chauffeur professionnel.

La pénurie de permis de conduire n’est pas seulement une nuisance pour les conducteurs congolais ; elle représente un risque sérieux pour la sécurité routière. Avec des conducteurs potentiellement non qualifiés ou non vérifiés au volant, le risque d’accidents augmente, mettant en péril la vie des usagers de la route.

politico.cd/CC

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Ali Kalonga

Directeur de la Rédaction

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