En RDC, le championnat national de football pour la saison sportive 2022-2023 s’est arrêté depuis décembre dernier par manque des moyens financiers pouvant aider aux déplacements des clubs et des officiels. Cette prise en charge était jusqu’ici assurée par le gouvernement. Plusieurs tractations entre les clubs, à travers l’Association des dirigeants des clubs du Congo (ADFCO), la Fédération congolaise de football (FECOFA) et le comité de gestion de la Ligue nationale de football (LINAFOOT) en vue de parvenir à un compromis pour la reprise sont restées vaines. Samedi 3 juin dernier, le comité de normalisation (CONOR), installé au sein de la Fédération en attendant des prochaines élections, a finalement annoncé que la saison 2022-2023 au championnat national d’élite était déclarée "blanche".
Le dernier match de ce championnat s’est donc déroulé il y a un peu plus de six (6) mois. Cette situation est non sans conséquence tant sur les athlètes que sur les officiels, surtout internationaux.
Ni l'entraînement ni les matchs amicaux ne remplacent une compétition
Les conséquences de manque de championnat sur les athlètes ne sont visiblement pas à chercher loin. En janvier 2023, les Léopards de la RDC, engagés au championnat d’Afrique des Nations (CHAN, Algérie 2023), ont sorti leur plus mauvaise prestation dans l’histoire de cette compétition. En manque de temps de jeu faute du championnat, les Léopards ont broyé du noir. Zéro victoire en trois matchs, et surtout, zéro but marqué. Suffisant pour terminer derniers de la poule et quitter ce tournoi, pour la première fois, dès le premier tour.
Bien plus, les quatre clubs congolais en lice aux compétitions africaines interclubs de la Confédération africaine de football (CAF) ont réussi pour la première à atteindre la phase de poules. Certes encourageant. Mais la suite de ces compétitions, qui a coïncidé avec l'arrêt du championnat, ne sera qu’anecdotique. L’As Vclub en Ligue des champions ainsi que le TP Mazembe et le Daring club Motema Pembe (DCMP) en Coupe de la CAF ont fini chacun dernier de sa poule. Le FC Saint-Eloi Lupopo, en Coupe de la CAF, a fini 3ème de sa poule mais loin derrière les places qualificatives. Déjà privés du championnat, trois de ces quatre clubs, à l’exception du TP Mazembe, se sont vus dans l’obligation de recevoir leurs adversaires loin du pays suite à la fermeture des stades des Martyrs (Kinshasa) et Frédéric Kibasa Maliba (Lubumbashi).
Si cela ne suffit pas. Les deux derniers matchs de l’équipe nationale, entraînée depuis août 2022 par le Français Sébastien Desabre, se sont disputés quasiment à l’absence des joueurs évoluant au pays sur des listes de près d’une trentaine de joueurs. Siadi Baggio, gardien du TP Mazembe, est la seule exception. Toutefois, il est laissé sur le banc à chaque rendez-vous officiel. Il y a à peine quelques années, la concurrence était encore rude entre les professionnels et les joueurs locaux.
« Dans le football de haut niveau, il y a quatre composantes : physique, technique, tactique et mental. La compétition est le cadre dans lequel le joueur est appelé à se développer. Sans compétition, même si vous faites mille entraînements ou disputez des matchs amicaux avec des équipes dites grandes, ça ne donnera pas de repères. Ni l'entraînement ni les matchs amicaux ne peuvent remplacer une compétition ou un match officiel », indique, à ACTUALITE.CD, le coach José Mundele, pour justifier la méforme dans laquelle se trouvent la grande majorité de joueurs locaux.
Cet expert tactique, récemment parti du Racing club de Kinshasa (RCK), note que les joueurs « perdent des automatismes, et de repères » quand ils sont en manque de compétition. « Sur le plan psycho-mental, les joueurs sont presque découragés. Le corps a assimilé l’inactivité et vous verrez même que la saison prochaine quand il y aura reprise du championnat, il sera constaté un manque de rythme », ajoute-t-il, tout en précisant que les joueurs « grandissent aussi par rapport à l’adversité qu’il y a en face. Or pendant des séances d'entraînement, il n’y a pas tout ça ».
Les joueurs ne sont certes pas les seules victimes de l’arrêt puis l’annulation du championnat. Les arbitres ne sont pas en reste. Les internationaux sont souvent désignés pour officier les rencontres sur le continent. Pendant ce temps, ceux qui ne sont pas encore passés internationaux devraient se contenter des matchs des championnats locaux, amicaux voire la Coupe du Congo … malheureusement aussi annulée.
Au mois de janvier dernier, la Fédération internationale de football association (FIFA) a actualisé sa liste d’arbitres internationaux. Rachel Nzigire Zihindula, originaire de Goma au Nord-Kivu, a fait son entrée dans cet univers dominé par les hommes.
En sa qualité de promue, les matchs du championnat national, une fois alignée, lui auraient pu servir de tremplin pour ses prestations sur l’échiquier continental. Mais qu’à cela ne tienne, elle est confiante et très sûre d’elle. « On a toujours été performant parce qu’il n’y a pas que le championnat national. Nous avons aussi le championnat local », confie Mme Rachel à ACTUALITE.CD.
Elle souligne qu’il n’y a pas seulement des matchs pour garder sa performance. « Nous avons des livres de loi du jeu, nous sommes connectés au FIFA RED [application d’apprentissage, ndlr]. On s'entraîne là, en faisant des exercices. Nous avons aussi le programme des entraînements pour garder la condition physique. Dès que le championnat reprend, si on me désigne, je serai prête », explique-t-elle.
Rappelons qu’en RDC, la saison sportive va du 1er août au 31 mai. Pour l’heure, la LINAFOOT n'a pas encore communiqué la date de démarrage ainsi que le calendrier du championnat pour la saison 2023-2024. Une commission ad hoc a été mise sur pied afin de réfléchir notamment sur le format à utiliser lors de cette édition à venir. Mais “ rien n’est encore décidé ”, a appris ACTUALITE.CD des sources concordantes, qui assurent que “la plénière de la commission ad hoc pourrait intervenir très bientôt”.
Japhet Toko
