La guerre en Ukraine et la RDC : si lointaine, si proche



Le 24 février, la Russie lance une « opération militaire spéciale » en Ukraine. Cette invasion se fait après la reconnaissance par Moscou, quelques jours plus tôt, de deux « républiques » autonomes en Ukraine, habitées par des russophones. La guerre, qui dure maintenant depuis neuf jours, est rapidement devenue une affaire mondiale. Quelles en sont les incidences pour la RDC ?

Bonjour !

Je m’appelle Joshua Walker. Je suis le directeur de programme du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New York. Vous écoutez le premier épisode de la saison 2 de Po na GEC, capsule audio du GEC et d’Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC, qui tente de résumer et d’analyser les questions d’actualité en RDC.

L’impact de la guerre en Ukraine se fait sentir bien au-delà de ses frontières. Elle crée, entre autres, plus de 1,2 millions de réfugiés (3 mars 2022) qui ont fui le pays. Première préoccupation liée à cette guerre pour la RDC : le sort des citoyens congolais qui habitent l’Ukraine. Alors que les Ukrainiens fuyant la guerre sont vite accueillis par les pays voisins, de nombreux reportages font état de racisme dans le traitement des Africains, Asiatiques et Caribéens, souvent bloqués aux frontières. 

Selon une source diplomatique européenne, qui citait le ministère congolais des Affaires étrangères, il y avait 409 citoyens congolais en Ukraine au moment du déclenchement de la guerre, dont environ 200 ont déjà trouvé refuge en Pologne. Jusque-là, le gouvernement a sollicité l’aide de l’Organisation internationale des migrations pour ces réfugiés et a contacté le gouvernement russe pour la création d’un « corridor humanitaire ». Cependant, aucune communication officielle du gouvernement congolais n’a encore été faite à ce sujet, encore moins sur la guerre en Ukraine en général.

Autre conséquence de la guerre : la hausse des prix des produits énergétiques. Un reportage diffusé sur TV5 le 2 mars, par exemple, faisait état d’une pénurie d’essence dans la ville de Bukavu, dont le carburant est importé du Kenya, de la Tanzanie et, surtout, du Rwanda. Pourquoi ? Ces derniers préfèrent garder leurs stocks de pétrole, à cause de l’instabilité sur le marché mondial causée par la guerre en Ukraine. Ce qui entraîne un ralentissement sensible du taux d’affaires pour les importateurs de carburant de cette ville frontalière, habitués à s’approvisionner à partir du Rwanda. À cet effet, à l’issue d’une réunion du comité de conjoncture économique, le gouvernement congolais a annoncé le 2 mars, par le biais du ministre des Finances, Nicolas Kazadi, que la hausse des prix du carburant pourrait avoir des impacts « difficiles » pour l’économie congolaise. Il a précisé, cependant, que le comité avait discuté des « mesures à prendre en urgence » pour limiter cet impact. Pour le moment, ces mesures n’ont pas été rendues publiques.

Mais ce qui fait le plus débat au Congo, c’est la géopolitique. Pour les uns, la Russie n’est qu’un simple agresseur illégitime. Pour les autres, la mobilisation occidentale contre cette dernière, notamment à travers des sanctions, relève de l’hypocrisie. Combien de fois les pays occidentaux ont-ils envahi d’autres pays comme l’Irak, l’Afghanistan ou la Libye ? Serait-ce une question de deux poids, deux mesures ?

Le 2 mars toujours, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution condamnant « l’agression » russe en Ukraine, tout en réaffirmant « son engagement envers la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues ». Le résultat du vote : 141 voix pour, 5 contre, 35 abstentions et 12 absents. Parmi les pays ayant voté pour : la RDC. Choix logique pour un pays qui a déjà subi des agressions et l’occupation des parties de son territoire par des pays voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda. Et qui diffère de celui des pays comme le Mali ou la République centrafricaine, qui ont des contractants militaires russes sur leurs sols. 

Cependant, la position prise par la RDC pourrait aussi être la conséquence de son repositionnement sur l’échiquier politique mondial depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir,qui s’est rapproché notamment des États-Unis et de l’Occident en général. Ces pays ont-ils exigé que la RDC adopte leur position ? Quelles pourraient en être les conséquences pour la relation entre la RDC et la Russie ? Dans tous les cas, ce vote ne fait que renforcer le parti pris de la RDC pour ses alliés occidentaux dans la configuration géopolitique mondiale actuelle.

CC

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Ali Kalonga

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