Hausse du prix du carburant pour la neuvième fois entre 2022 et 2024: Une arnaque en cours de normalisation en RDC ?



Tribune de Lewis YOLA, Chercheur en Aval et contrats pétroliers

1. Contexte général 

Le prix du carburant en République Démocratique du Congo, dans son administration, a connu plusieurs décadences au cours de ces deux dernières années (2022-2024), tantôt par la volonté du gouvernement central de soulager la surface financière des opérateurs pétroliers d’une part, et d’autre part pour réduire les coûts dûs à la subvention pétrolière.

Par ailleurs, les récurrents ajustements des prix de carburant à la pompe n’ont pas permis l’éradication de subvention, ni contribué au maintien du pouvoir d’achat de la population congolaise. Par exemple, pour l’année 2022 l’Etat congolais a payé une somme approximative de 400 millions USD en raison de subvention pétrolière pendant que le prix de l’essence a grimpé de 2085 FC/L jusqu’à 2845 FC/L durant la même période de 2022.

L’écart entre les objectifs poursuivis en augmentant le prix de carburant en République Démocratique du Congo et la réalité sur terrain sont imputables à un ensemble de raisons qui tiennent à la fois compte du doute persistant au sein de l’opinion sur la véracité de coûts de revient déclarés dans la structure des prix par les opérateurs pétroliers et à l’incapacité technique du gouvernement à contre-vérifier les déclarations des structures des pétroliers.

De ce qui précède nous décryptons la causalité et la conséquence de hausses  récurrentes de prix de carburant observées ces dernières années dans les 3 zones fiscales de la République Démocratique du Congo ainsi qu'une présentation panoramique du cadre légal de la réglementation du prix des carburants en RDC.

2. Analyse factuelle de hausse récurrente de prix de carburant entre 2022 et 2024 en RDC

Dans l’économie libérale, la liberté de fixer le prix des biens et services est sacré par ceux qui en font l’offre, mais ils sont tenus à informer les autorités compétentes pour un contrôle approprié, tel est recommandé dans l’arrêté ministériel n•034/CAB/MIN H/ECO NAT/JK’/2018 portant mesures d’exécution de la loi organique 18-020 du 09 juillet 2018 relative à la liberté des prix et à la concurrence, spécialement en matière des prix.

À cette mesure décrite ci-dessus quelques exceptions ont été accordées dans certains secteurs économiques, notamment le secteur des hydrocarbures, ce qui justifie le système d’un prix fixe administré appliqué à ce jour dans les stations-service.

Bien avant cela, depuis 2001 le gouvernement congolais avait fixé les modalités de révision de la structure des carburants terrestres ainsi que l’instauration d’un comité mixte de suivi de prix des produits pétroliers en vue d’analyser tout élément influençant la fixation des prix de carburant à la pompe. C’est un comité constitué de membres provenant du ministère de l’Economie, des Hydrocarbures, des Finances (DGDA), ainsi que la délégation des opérateurs pétroliers. La présidence du comité est confiée au ministère de l’économie et la vice-présidence au ministère des Hydrocarbures.

Le rôle de chaque ministère ne soit pas clairement défini dans ce comité, ce qui crée dans certains cas la confusion de rôle entre les délégués du ministère des Hydrocarbures et de l’Economie au sein dudit comité, allant jusqu’à pousser les membres de différents cabinets de ministres des Hydrocarbures à affirmer qu’ils ne partagent pas la responsabilité des différentes variations de prix de carburant. Quelle expertise le ministère des Hydrocarbures apporte aujourd’hui dans le comité de suivi des prix des produits pétroliers ? Une question qui mérite les réponses légales et factuelles.

Cependant l’article 5 de l’arrêté fixant les modalités de révision de la structure des prix de carburant stipule qu’à chaque variation à 5% du Prix Moyen Frontière (PMF) et/ou Taux de Change, cela doit influencer le prix à la pompe.

De janvier 2022 jusqu’au 24 avril 2024, la RDC a connu 9 hausses du prix de carburant, ce qui est un record dans l’histoire économique de notre pays, le prix d’essence a quitté de 2085 Fc/Litre jusqu’à 3475 Fc/Litre dans la zone ouest, soit une perte du pouvoir d’achat de 55% de la population. La situation a été pire dans la zone Nord et Sud où une inflation du prix du carburant a été maximale.

Au départ ces différentes hausses étaient justifiées par le conflit Russie-Ukraine, suite à la répercussion pétrolière qu’il avait occasionné dans l’industrie mondiale du pétrole, malheureusement quand on a observé de plus proche la corrélation entre les variations du prix de baril à l’international, un composant essentiel du prix platt’s oil gram (coût d’acquisition) et l’ampleur de hausses de prix carburant constatées en 2022 en République Démocratique du Congo, vous constaterez une illogique que l’Ukraine et la Russie puissent servir d’argument pour justifier toutes les hausses du prix vécues.

Observons:

- Prix moyen baril fin février 2022 : 97$/baril

- Prix moyen baril entre février et mi-avril 2022: 105$/baril

- Prix moyen baril entre mi-avril et fin mai 2022 : 120$/baril

- le 16/ avril/ 2022: 

Suite à la hausse du prix de baril de 97 $ à 105$, soit une variation de 16 %, le gouvernement a fait passer le prix de l'essence à la pompe de 2095 FC à 2195 FC, soit une augmentation de 100 FC qui représente une hausse à la pompe de 5% .

- Le 28 mai 2022: Suite à la persistance de la tendance haussière du prix à l'international 105$ à 120$, soit une hausse de 14 %, le gouvernement avait à son tour  fait monter le prix à la pompe de 2195 Fc à 2345 Fc soit une hausse de 7% à la pompe.

- Le 07 juillet 2022, 1 baril se vendait à 103$ (le gouvernement avait haussé de 100 Fc le prix de carburant en RDC, pendant qu’il y a eu baisse au niveau international et d’autres paramètres structurels sont restés constats).

La hausse de 16% du prix à l'international a fait augmenter le prix à la pompe à 5% au mois d’avril 2022 et la faible hausse du prix à 14% à l'international entre la période avril-mai 2022 a fait augmenter le prix à la pompe à 7%. Où a été la logique lorsqu'une hausse de 16 % a fait augmenter le prix à la pompe de 5% et une hausse de 14% a fait augmenter le prix à la pompe de 7%.

Par les exemples précités nous pouvons observer que la fixation  de prix des carburants en 2022 (hausse) ne répond nullement aux règles initialement préétablies à la matière (PMF, Tx de Change et Volume Commercial) avec risque de compromettre la pertinence de l’existence même du comité actuel de suivi de prix de carburant.

Le 24 avril 2024, le ministre de l’économie a signé un arrêté consacrant la neuvième hausse du prix de carburant entre 2022 et 2024 sans apporter la raison conjoncturelle dans son arrêté, il s’est limité à reprendre la formule protocolaire des arrêtés ministériels à la matière sans mettre à la disposition de l’opinion les tableaux explicatifs de différentes variations ayant motivées la récente hausse, les tableaux qui sont généralement annexés dans l’arrêté consacrant la variation du prix à la pompe.

Dans une situation économique déjà fragile, les congolais sont désormais appelés à trouver 200 FC de plus pour chaque litre d’essence ou gasoil à consommer , cela au risque d’apporter les répercussions inflationnistes de prix d’autres biens et services dans le marché congolais, principalement le prix de transport.

3. Recommandations 

Le prix de carburant est l’élément crucial pour le bon fonctionnement de l’économie nationale, les opérateurs pétroliers sont au courant de cette évidence il se peut qu’ils l’utilisent pour mettre à chaque moment la pression au gouvernement pour satisfaire leur gourmandise quelquefois au détriment du bien être collectif, pour cela nous recommandons ce qui suit au gouvernement :

- Encourager la création d’une autorité de régulation de l’aval pétrolier afin de mieux coordonner toutes les activités de l’importation jusqu’à la distribution des carburants.

- Exiger l’importation de produits pétroliers en pool, cela permettra au gouvernement à maîtriser les différents coûts d’acquisition des carburants à l’international jusqu’à l’arrivée aux frontières nationales.

- Lancer les appels d’offres locaux pour le ravitaillement des institutions publiques et parapubliques afin de permettre au gouvernement de bénéficier des avantages concurrentiels.

- Réformer le système de la structure des prix de carburant actuel afin d’équilibrer les intérêts entre les opérateurs pétroliers et le gouvernement.

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Ali Kalonga

Directeur de la Rédaction

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