RDC: «J'ai un mandat du peuple, je ne peux pas démissionner», affirme Jean-Marc Kabund



En janvier, l'ancien secrétaire général congolais Jean-Marc Kabund puis président intérimaire du parti au pouvoir UDPS avait été accusé d’escroquerie, corruption et extorsion, avant d'être exclu du mouvement. Fin mars, il avait officialisé sa démission de premier vice-président de l'Assemblée nationale, mais gardé son poste de député. En début de semaine, il a créé son propre parti, l'Alliance pour le changement. 

RFI: Le bureau de l’Assemblée nationale vient de diffuser un communiqué condamnant les propos considérés comme indignes que vous auriez tenus il y a quelques jours. Un dossier disciplinaire vient d’être ouvert à votre encontre. Comment réagissez-vous à cette nouvelle ?

Jean-Marc Kabund : D’abord, il faut considérer la démarche comme l’expression d’une panique ou d’une peur. Cela démontre que l’Assemblée nationale est désacralisée. Elle est devenue une véritable caisse de résonance dans laquelle on assiste tout simplement à des scènes de règlement de comptes. Je voudrais savoir quelles dispositions donne le pouvoir au bureau de l’Assemblée d’ouvrir un dossier disciplinaire à l’endroit d’un député, et savoir aussi quel député aurait subi la même procédure que moi ou si je suis le premier ?

Vous avez été élu député sous l’étiquette Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Votre ancien parti menace également de vous retirer votre mandat parlementaire. Qu’en pensez-vous ?

La Constitution est claire : un député national élu sur une liste appartient à cette liste, donc au parti. Mais dès lors que le parti l’exclut, le député garde son mandat. Un député ne peut perdre son mandat que s’il a délibérément quitté le parti qui l’avait aligné aux élections. Tout le monde sait que j’ai été exclu de l’UDPS. Donc, il ne devrait pas y avoir un débat si on avait des gens qui réfléchissent normalement.

Est-ce que l’idée d’une démission vous a déjà traversé l’esprit ?

Non. Ce n’est pas l’UDPS qui m’avait élu comme député national. Je suis un élu du peuple. J’ai démissionné de ma fonction de premier vice-président parce que j’estimais que cette fonction, je l’avais acquise au nom de l’UDPS. J’ai démissionné. C’est clair là-dessus. Du moment que ce n’est pas l’UDPS qui m’avait élu. J’ai un mandat du peuple, je ne peux pas démissionner.

Lors du lancement de l’Alliance pour le changement, vous aviez dit que le parti était aussi créé pour la conquête du pouvoir. Est-ce que cela veut dire que vous serez candidat à la présidentielle 2023 ?

Justement, parce que nous n’avons pas créé ce parti pour faire de la figuration ou pour accompagner qui que ce soit. Dès lors que nous avons dit que c’était une nouvelle offre politique, nous, nous proposons une réponse à pas mal de questions que le peuple congolais se pose. Nous estimons que le parti doit présenter des candidats à tous les niveaux.

Et vous, vous serez candidat à la présidentielle ?

Bien sûr, lorsque le parti alignera les candidats à tous les niveaux, ça voudra justement dire que le parti alignera un candidat président à la République.

Vous voilà dans l’opposition. Est-ce que des alliances avec Moïse Katumbi, Joseph Kabila ou Martin Fayulu même sont possibles ?

Il faut relativiser cette question. Je reconnais que fédérer, peut donner plus de chance de gagner face à [Félix] Tshisekedi. Mais je ne veux pas admettre que c’est une condition sine qua none pour gagner, d’autant plus que monsieur Tshisekedi, je suis convaincu qu’il lui sera difficile de faire un score qui pourrait lui permettre d’émerger parmi les quatre premiers candidats. Je sais de quoi je parle. Le problème, c’est : est-ce que nous avons la même vision ou sommes-nous là ensemble juste pour chasser Tshisekedi du pouvoir ? On devrait commencer par ce genre de question, plutôt que d’envisager une quelconque alliance.

Lorsque vous étiez à l’UDPS, vous aviez critiqué des opposants. Maintenant que vous êtes vous-même dans l’opposition, est-ce que vous comprenez mieux les critiques qui étaient envoyées vers le pouvoir de la part de l’opposition ?

Dès lors que j’ai compris que, dès le départ, monsieur Tshisekedi avait des difficultés pour assoir la gouvernance, pour avoir la maitrise de l’appareil de l’État entre ses mains, moi-même je m’inquiétais. En fait, j’étais un opposant au sein du pouvoir, parce que je ne peux pas vous dire combien de fois, j’étais peiné de voir certaines choses se passer à l’interne, combien de fois ai-je rappelé à l’ordre monsieur Tshisekedi sur pas mal de questions. Cela ne demande pas d’être opposant au Congo pour voir que le pays ne marche pas. Tout est au rouge.

Est-ce que cela veut dire qu’aujourd’hui, vous êtes prêts à donner les véritables raisons de votre rupture avec le président Tshisekedi ?

Vous allez comprendre que c’est des divergences de taille, des divergences de vue qui avaient gagné tellement de terrain et que, à un certain moment, on ne pouvait plus demeurer ensemble. C’est notamment sur l’idéologie, sur la manière de gouverner. J’estimais à bon droit que monsieur Tshisekedi était allé totalement à côté de notre vision politique. J’ai constaté que monsieur Tshisekedi était dans un chemin de non-retour, je me suis assumé.

Vos détracteurs vous accusent d’enrichissement illicite. Que répondez-vous à ce type d’accusation ?

C’est une bêtise humaine que de parler d’histoires comme ça. Tout le monde sait dans ce pays qu’un député national, au bout d’un mandat, ne peut pas manquer de se construire des maisons. N’ai-je pas dénoncé le train de vie excessif des institutions ? Mais l’Assemblée nationale est l’une de ces institutions les plus budgétivores. J’en faisais partie. Je bénéficiais de ce train de vie. Quoi de plus normal que je puisse construire une maison où j’habite. Quand je parle de détournement, les gens doivent comprendre que ce n’est pas une maison. Ce sont des centaines et des centaines de millions de dollars, placés dans des paradis fiscaux, placés dans des multinationales, ce sont des espèces sonnantes qui quittent le pays dans des jets privés. On doit comparer ça avec ma petite maison dans le faubourg de Kinshasa ? Cela dénote clairement la panique et la peur qu’ils expriment en disant des choses qui ne tiennent pas debout.

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Ali Kalonga

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