Abd Al Malik magnifie la quête d’identité du « Jeune Noir à l’épée »



Son livre-album et son spectacle marient les auteurs et les influence musicales. L’artiste y réaffirme son amour du Congo et de la poésie comme « acte de résistance » et brandit l’art comme « miroir et ciment de notre humanité ». Un spectacle à voir sur France 5 à 22h50 et sur le net. (Vidéos)

Le jeune homme a fière allure avec son couvre-chef rouge, son épée et son drap bleu sur fond de paysage incendiaire que l’on aperçoit au loin. Face à ce visage serein et déterminé, Abd Al Malik se souvient avoir ressenti comme un flash, un appel impérieux. Quelle serait la vie de ce jeune intrépide s’il avait grandi en 2020 en banlieue ? Ce tableau, découvert au hasard d’une déambulation au musée d’Orsay à Paris, frappe son imaginaire et lui rappelle que « le combat pour la liberté, la reconnaissance et le fait d’être en paix avec soi-même et les autres est permanent. »

Face à ce personnage qui défie les siècles, l’auteur se met à réfléchir: comment parler de la place de chacun dans la société ? La culture et l’éducation « comme ciment d’une identité collective », voilà une thématique qui résonne en lui. Surtout lorsque comme lui, on a longtemps fait partie du « peuple de la périphérie ».

Un livre, un CD,
un spectacle

Puisant dans ses souvenirs d’enfance, dans ses racines congolaises et son amour de la poésie et de la littérature, l’artiste à la fois poète, écrivain, metteur en scène et rappeur compose un long texte dans lequel il redit son amour de sa terre d’accueil et son rejet des discriminations et de l’intolérance. Admiratif de la modernité de ce Jeune Noir à l’épée, Abd Al Malik se fait l’écho de la colère sourde qui se propage au même rythme que la misère dans les cités-dortoirs de France et d’ailleurs. Le texte bientôt devient chanson.

« Comment pourrais-je m’aimer si sans cesse je dois lutter ? On prône la paix, pas l’épée » scande-t-il en chœur avec ses complices les musiciens Matteo Falkone et Bilal.

Apres le livre-album coédité par Flammarion, Présence africaine et le musée d’Orsay, Abd Al Malik conçoit un spectacle avec la complicité du chorégraphe Salia Sanou. Sur scène, Malik se glisse dans la peau du jeune guerrier peint par Pierre Puvis de Chavannes en 1850. Quatre danseurs pantalon noir, torse et pieds nus, habitent la scène avec lui et se font les interprètes d’un mal être lancinant. La chorégraphie du Burkinabé met en lumière les zones de fracture et la ligne pas si claire d’une société souvent naufragée.

Artiste en France, ses racines au Congo font d’Abd Al Malik un « homme-pont »

Tour à tour, Abd Al Malik évoque son rapport avec Les Autres et la façon dont les mots l’ont sauvé, réminiscence de ce passé tourmenté à Strasbourg avant qu’il ne soit saisi par une autre passion chronophage, celle de la littérature et de la poésie. « Partout où l’homme souffre, il me voit dans ses rangs. Et dire que nous étions pharaons au bord du Nil » rappelle-t-il, dénonçant la « haine de soi » qui dérive d’un certain type d’enseignement.

Fidèle à son auteur, le spectacle mêle slam, danse, lecture et fait sonner les notes de jazz et de rumba, de rap et de salsa avec les mots de Brel, Renaud, Baudelaire, Édouard Glissant et Léo Ferré.

Être Français avec des racines poussées ailleurs lui a donné l’envie d’être un « homme-pont pour créer du lien entre les êtres. » Résonne ainsi Gibraltar, l’hymne qui l’a fait connaître à l’international en 2006 auquel répond aujourd’hui La Vida negra imaginée avec la chanteuse Wallen. Il y est question de migrations, de Virgil, de Black Orpheus, de l’Aquarius et de Lampedusa, et de ces naufrages qui entachent notre expérience d’être humain.

L’auteur de Qu’Allah bénisse la France (2004) y confesse dans un souffle: « J’ai mal à l’Europe. » Avant d’interroger: «peut-on dire que le monde a changé si ta couleur de peau te met encore en danger ?»

En texte, en musique ou en mouvements, le Jeune Noir a l’épée invite chacun à « faire un, à faire peuple ». Tandis que sur scène s’impriment les mouvements fluides des corps ondulants, l’artiste rappelle une évidence: « les deux pires ghettos sont la haine et la violence. »

Mis en images par Julien Faustino, le spectacle, enregistré à l’Opéra comique, est à voir ce vendredi à 22h50 sur France 5 et reste disponible en ligne jusqu’au 26/03 sur France 5 et jusqu’au 20/11 sur France.tv.

Karin Tshidimba

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