L’annonce, au mois d’avril dernier, par le ministère congolais des sports et loisirs, de l’organisation, à Kinshasa et par la RDC, d’un tournoi international de football au profit des jeunes de moins de 20 ans dénommé "Fatshi Cup", a suscité un tollé auprès de plus d’un sur notamment l’opportunité de mettre sur pied une telle compétition dans un pays où le championnat d’élite est à l’arrêt depuis plusieurs mois faute de prise en charge de déplacement des équipes par le gouvernement. Près de deux mois après, le ministère de tutelle n’a pas rétropédalé. L’initiative est en train de se concrétiser.
Le 23 mai dernier, le ministère a confirmé la tenue de la 1ère édition du tournoi Fatshi Cup, qui doit se disputer entre le 30 juin (coup d’envoi) et le week-end du 7 au 9 juillet prochain (finale) au stade des Martyrs de la pentecôte de Kinshasa. Entre-temps, le championnat national de football édition 2022-2023 a, dans la foulée, été déclaré "annulé" par le comité de normalisation (Conor) de la Fédération congolaise de football association (FECOFA).
Dans son procès-verbal portant annulation du championnat, le Conor évoque principalement comme raisons « le manque des moyens financiers pouvant aider aux déplacements des clubs et des officiels d'une part, et d'autre part, il ne reste plus assez de temps pour organiser les matchs restants de la manche aller (…) ». Ce, à la grande déception des clubs qui s’attendaient à des solutions “concrètes” aux difficultés déjà épinglées dont, outre celle liée aux moyens à mettre à la disposition de l’organisateur, le grand souci de vol faute d’avoir des compagnies disposant des appareils de transports aériens pouvant faciliter les déplacements à la fois des clubs et des officiels.
« Les clubs n’ont pas demandé l’arrêt du championnat. Ces derniers étaient à la disposition de l’organisateur pour continuer le championnat et ce, depuis le mois de décembre jusqu’en avril. Mais malheureusement, il n’y a pas eu de solutions (…) », note Lambert Osango, président de l’AC Rangers et président de l’Association des dirigeants des clubs du Congo (ADFCO).
Le dernier match du championnat national a eu lieu au mois de décembre 2022. Les amoureux du ballon rond sont, depuis, privés du spectacle. Les athlètes, quant à eux, ne peuvent exercer leur métier. Mais ce qui est sûr, Kinshasa va bientôt renouer avec les rencontres de football. Gradins et terrain de foot s’apprêtent à vibrer de nouveau en cette fin de saison sportive. Ce ne sera certes pas la poursuite du championnat … mais à la place, le tournoi Fatshi Cup, juste avant le début des IXèmes jeux de la Francophonie.
Fatshi Cup … pour quel objectif ?
Le ministère des sports et loisirs a présenté Fatshi Cup comme un fruit de la complicité entre le président de la République, Félix Tshisekedi, et l’actuel ministre, Claude François Kabulo Mwana Kabulo.
La FECOFA, censée gérer l’aspect technique de l’organisation de ce tournoi avait, en son temps, indiqué que la prise en charge sera « totalement assurée par la Fédération internationale de football association (FIFA) ». De là, entretenir un certain flou sur le vrai initiateur du tournoi ? Pas du tout. De passage à Kinshasa, en avril dernier, le secrétaire général de la Confédération africaine de football (CAF), Véron Mosengo-Omba, a fait savoir qu’il y avait « une confusion totale » à propos. « L’initiative ne vient ni de la FIFA ni de la CAF », a-t-il déclaré, avant d’expliquer « qu’il y en a de tournois qui portent le nom de présidents et si la zone Uniffac (Union des fédérations de football d’Afrique centrale) veut organiser un tournoi des jeunes dans ce sens-là, on va le soutenir puisque c’est ça notre but, celui de soutenir le développement du football ». Et si tel est réellement le cas, des dirigeants des clubs disent ne pas trouver d’inconvénient sauf si la vraie motivation serait ailleurs.
« Vous savez que la FIFA encourage toujours l’organisation des tournois des jeunes. Je ne connais pas les motifs réels [de l’organisation de Fatshi Cup, ndlr] mais en tant qu’opérateur sportif, je ne vois pas trop de problèmes ou de jugements que je dois faire par rapport à ce projet qui a été annoncé et qui va se concrétiser. Sinon, je me dis seulement si c’est dans le cadre d’occuper les jeunes ou dans le cadre de faire émerger le sport dans le pays, je ne vois pas d’inconvénient personnellement, à moins qu’il y ait d’autres aspects que j’ignore », souligne Lambert Osango.
Contactée également à ce propos, la direction du TP Mazembe, un de grands clubs du pays, dirigé par Moïse Katumbi, et qui est connu à travers non seulement ses résultats dans l’élite mais aussi son encadrement des jeunes footballeurs, n’a pas souhaité donné son avis sur ce que peut représenter ledit tournoi pour le football national.
Toutefois, d’après la cellule de communication du ministère des sports et loisirs, contactée par ACTUALITE.CD, Fatshi Cup « c’est tout d’abord l’encadrement de la jeunesse footballistique, et un tournoi qui vise également à préparer des talents qui doivent intégrer plus tard les sélections A et A’ ».
Fatshi Cup 2023, selon la même source, ne devrait d’ailleurs pas être la seule édition de ce tournoi, qu’on compte pérenniser. « Juste après la 1ère édition, il y aura une commission qui sera établie pour juger sur les tenants et les aboutissants de cette édition inaugurale et faire un état des lieux. Après cela, on compte avoir une 2e, 3e, 4e et pourquoi pas une 5e édition surtout que c’est un tournoi qui s’organise pour l’avenir du football africain. L’Etat congolais va devoir s’y mettre, question que le tournoi soit un des meilleurs et qui va perdurer ».
Approbation de l’UNIFFAC
A l’annonce de la création de Fatshi Cup, le ministère des sports et loisirs, par le biais de son organe technique, la FECOFA, avait déjà déclaré ses intentions d’ouvrir ce tournoi aux nations de la zone Afrique centrale, réunies au sein de l’UNIFFAC.
La confédération régionale a donné son accord. D’ailleurs, c’est à l’issue d’une tripartite FECOFA-UNIFFAC-ministère, tenue le 23 mai dernier à Kinshasa, que la période sur laquelle va se disputer cette compétition a été communiquée. « Nous sommes en train de voir avec le gouvernement de la RDC et la Fédération, l’organisation technique de cette compétition. Les aspects techniques seront étudiés au cours d’une réunion entre la FECOFA et l’UNIFFAC », avait déclaré, au sortir de cette réunion, Jean-Guy Blaise Mayolas, président de l’UNIFFAC.
Alors que pour plusieurs observateurs le naming du tournoi ferait la promotion d’un individu, Félix-Antoine Tshisekedi, à l’approche des élections, M. Mayolas a déclaré que la dénomination Fatshi Cup « ne posait aucun problème pour cette confédération régionale ».
La zone UNIFFAC est composée du Cameroun, du Tchad, de la RDC, de la République du Congo, du Gabon, de la Guinée Equatoriale, de la République centrafricaine (RCA), et du Sao Tomé-et-Principe.
Sur les huit (8) nations, six (6) ont déjà confirmé leur présence à Kinshasa pour participer à ce tournoi et y sont attendues à partir du 25 juin prochain, rassure le ministère des sports et loisirs. Parmi les deux nations qui traînent encore le pas, figure la Guinée Equatoriale. « II y a des tractations qui sont faites pour que ces deux nations puissent participer puisqu’à huit, ce sera une bonne chose. Mais déjà à 6, on pourrait avoir deux poules de 3 (…) », indique la cellule de communication du ministère, tout en précisant que le choix du format et le déroulement du tournoi restent l’apanage de la FECOFA.
Les finances déjà débloquées
Fatshi Cup sera organisé avec quel budget ? Qui va financer ? « Le budget est déjà là. L’Etat congolais a déboursé l’argent qu’il devait débourser. Il n’y a pas d’inquiétude à l’heure actuelle. Tout est bien fait, et il ne reste plus que le coup de sifflet pour le démarrage et la présence des délégations à Kinshasa », confirme, sans forces détails, la cellule de communication du ministère, mentionnant au passage les contributions de l’UNIFFAC, celle de la FECOFA ou encore de la CAF.
Les Léopardeaux attendus à l’œuvre
A la 1ère édition de Fatshi Cup, la RDC, pays hôte, sera représentée par sa sélection des moins de 20 ans. La préparation a d’ores et déjà débuté. Les athlètes sont internés dans un hôtel de la place et devraient aussi livrer quelques rencontres amicales au stade des Martyrs avant le go du tournoi.
« Le gouvernement a déjà fait l’essentiel pour que les moyens soient disponibilisés. Nous voulons que la RDC ne soit pas seulement participante ou organisatrice mais surtout vainqueur de cette 1ère édition », confie cette équipe de communication du ministre Kabulo.
Il est à noter que c’est la même sélection (U20) qui va représenter le pays au tournoi de football dans le cadre des IXèmes jeux de la Francophonie prévus à Kinshasa du 28 juillet au 6 août 2023.
Japhet Toko