C’est dans une atmosphère littéraire et vibrante dans la bibliothèque des éditions Miezi, un décor planté des livres, d’œuvres d’art et différentes figures emblématiques de la littérature congolaise et africaine floquées sur le mur, que Charlie Demoulin, jeune écrivain belge, a dévoilé “Silence me mord”, son tout premier roman. L'activité s’est déroulée vendredi 30 août devant un public kinois conquis et enthousiaste.
Christian Gombo a ouvert la soirée en retraçant le parcours littéraire de Demoulin, mettant en avant son style provocateur et sa capacité à aborder des sujets universels. Le roman raconte l'histoire d'un personnage non-binaire vivant des expériences extrêmes, reflétant les tensions d'une société avide de gratification immédiate.
« Ce livre raconte la vie d’un personnage belge qui a tous les sexes, on ne sait pas dire si c’est un homme ou une femme mais qui est dans toutes les expériences extrêmes. C’est un peu le quotidien de la plupart d’entre nous dans la vie où il y’a cette lutte permanente de vouloir tout et tout de suite… C’est un peu cet état de lieu là qu’il essaye d’attaquer dans son livre. Cette société de consommation où on veut tout et tout de suite. Y’a pas d’attente, y’a pas de patience et ça c’est le côté universel qu’aborde son roman », explique Christian Gombo, écrivain et libraire.
Charlie Demoulin s'est dit ravi de l'accueil chaleureux du public congolais. Il a souligné la liberté et la vivacité de Kinshasa, un environnement propice à la présentation de son œuvre. « C'est un lieu où l'on ressent une véritable liberté, un dépassement des cadres traditionnels », a-t-il affirmé.
Viviane Probst, danseuse et chorégraphe, a exprimé son admiration pour l'audace de Demoulin de traiter ouvertement des sujets considérés comme tabous, tels que la sexualité et l'identité LGBTQ. Elle a salué la collaboration de l'auteur avec des artistes locaux, renforçant ainsi l'authenticité de son récit dans un contexte culturel diversifié.
« J’étais très touchée par l’écriture, par l’audace d’oser mettre les mots sur ce qui est généralement caché. D’autant plus de le présenter dans un contexte culturel différent, où l’on fait face à des normes assez patriarcales. Pour moi c’était un vent de fraîcheur de parler ouvertement de sexualité, de LGBTQ, de transgenre dans ce contexte là. Je trouve ça magnifique qu’il se soit associé avec quelqu’un du pays qui a une vision assez commune. Ça donne une légitimité presque à Charlie de pouvoir parler de ça ici parce qu’il est soutenu finalement par quelqu’un du pays qui a écrit sur le même sujet », a-t-elle dit.
Gravitant autour de la came et du sexe, la vie du narrateur baigne dans un non-sens que la défonce et la baise compulsives permettent d’endurer. « Silence me mord » se distingue par une écriture vive et directe, rompant avec les conventions littéraires pour offrir une vision brute et authentique de la réalité. Le roman propose une réflexion sur la libération personnelle et critique la société de consommation.
« C’est une écriture respirée, une écriture assez orale qui veut se rapprocher la vie de tous les jours et quitter les institutions littéraires qui freinent la créativité et qui freinent la lecture… il faut que la littérature devienne la vie dans un sens qui doit refléter la vie comme elle est. Elle ne doit pas être continue, elle doit avoir des discontinuités comme je l’ai raconté… la vie ce n’est pas un mot après un autre. C’est un mot, je prends une bière; un mot je mange de l'arachide; un mot je trébuche, etc. C’est quelque chose de cru, dire les choses telles qu’elles sont, elle est directe. Peu de virgules, peu de négations, pour être plus impétueuse », explique Charlie Demoulin, auteur du livre.
Gombo - Charlie : deux auteurs “texistes”
Deux auteurs de deux horizons bien plus distincts, deux écrivains aux cultures différentes, Christian Gombo et Charlie Demoulin se ressemblent beaucoup plus dans leur façon d’écrire. Ils ont en commun un style plutôt croisé. Un style aussi sexiste que dénonciateur, cadenassé par la solitude, par la vacuité de l’existence, rythmé par une écriture-survie abrupte, discontinue, éruptive. où tout est dit de manière claire, où l’on ne cache pas des choses, où l’on essaye pas de caresser la société dans le sens du poil, mais où l’on raconte tout dans sa totalité.
« Maudit soit-il et Silence de mord c’est avant tout l’histoire de deux personnages qui sont débridés, libertins, dans beaucoup de cas et des personnages qui se ressemblent et rassemblent aussi dans le sens où pour les deux le sexe est une priorité, presque tout ce qu’ils font. Beaucoup p vont découvrir à la rentrée littéraire le bien fondé de la rencontre de l’écrivain maudit et du personnage C. développé dans le livre de Charlie qui sont vraiment des personnages attachants, tant ils sont accrocs au sexe, peut-être que c’est ça la réalité de tous les jours », dit Christian Gombo.
Et d’ajouter :
« Le lecteur congolais peut découvrir des nouvelles expériences et comprendre dans certaines mesures d’autres orientations sexuelles qui existent dans le monde. Ce sont des réalités que nous vivons au quotidien bien que cela soit voilé ou caché, mais avec l’écriture de Charlie c’est vraiment cru, ouvert, oral… permettant à tout le monde de lire et de comprendre très facilement ».
Enfant du troisième millénaire, breton liégeois, Charlie Demoulin est le fils d’une marionnette et d’un peintre, il grandit sur les routes d’Europe. La famille se sédentarise en Belgique à son adolescence. Il multiplie les projets artistiques et se construit en voyageant en Inde et en RDC. L’écriture occupe là grande partie de son temps libre : quelques poèmes d’abord, des scénarios de BD, des chansons ensuite, des articles de journaux inventés et puis finalement une histoire d’amour plus longue : Silence me mord. Il a écrit ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il y’a, ce qu’il n’y a pas.
Avec son approche novatrice, Charlie Demoulin s'impose comme une voix essentielle de la littérature contemporaine, invitant les lecteurs à une exploration sans concession des défis modernes.
James Mutuba