Toute une nation s'était pourtant mobilisée pour accueillir un hôte de marque aussi prestigieux que le Pape François. Une événement, certes non inédit, mais teinté d'une saveur particulière et très attendu, car, 37 ans après Jean-Paul II, aucun autre Pape n'avait foulé le sol congolais.
C'était imminent, voire très imminent, puis, tout à coup, la nouvelle que d'aucuns redoutaient est tombée. "A la demande de ses médecins, afin de ne pas compromettre la thérapie du genou encore en cours, le Saint Père, à son grand regret, est contraint de reporter son voyage apostolique en RDC et au Soudan du Sud à une date ultérieure", a annoncé, non sans pincement au cœur, Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO.
Le manque à gagner financier et diplomatique
Cependant, et par-dessus tout, le voyage reporté du Pape François entraîne une "énorme manque à gagner" tant sur le plan financier que diplomatique. En effet, au regard de la grandeur et de l'agenda du Souverain pontife en RDC, des millions de dollars ont été investis pour les préparatifs de son accueil et séjour. "Des millions des dollars américains sont engloutis, en commençant par la confection des podiums spéciaux sur les sites où le Pape devrait dire les messes en passant par la mobilisation, les commandes des pagnes et autres effigies, ainsi que les pancartes décorées et les réservations en cours dans des hôtels huppés de la RDC. A cela s'ajoute les nuits blanches des commissions et sous-commissions de l'Eglise Catholique du Congo", a commenté un observateur, avant de s'interroger "qui va compenser les multiples dépenses engagées à Kinshasa et Goma par le Gouvernement?"; et de qualifier la nouvelle du report du voyage de François de "coup de tonnerre".
La photo d'un jeune entrepreneur Congolais, abondamment partagé sur les réseaux sociaux, le montrant tête baissée dans son bureau rempli de t-shirts à l'effigie du Pape, exprime mieux cette grosse déception de devoir concéder l'engloutissement des millions de dollars qui n'auront pas servi pour la cause de leur décaissement.
Il n'est pas hyperbolique de considérer que la triste nouvelle a provoqué un "énorme manque à gagner". Et, si ce manque à gagner est financièrement digérable, considérant surtout que le voyage n'est pas annulé mais reporté, quoi que sine die, il ne fait néanmoins pas les affaires de Kinshasa vu d'un angle diplomatique.
Le Pape François a été la deuxième personnalité haut de gamme qui devrait visiter le pays de Malula, moins d'un mois seulement après le passage du Roi des Belges, Philippe, qui poursuit présentement son séjour en RDC du côté de Lubumbashi dans le Haut-Katanga.
Sa venue, le 2 juillet prochain, offrirait à Kinshasa une belle vitrine pour se vendre au monde. "La RDC était sur le point de gagner le pari, parce que la visite du Pape François, 37 ans après Jean-Paul II, allait intervenir après celle en cours du Roi des Belges. Du coup, l'attention de toute l'humanité devait se focaliser sur la RDC", a fait remarquer le même observateur, regrettant amèrement ce rendez-vous manqué.
Signes avant-coureurs de démission
Dans le regret, une question émerge: est-ce que seulement le Pape avait le choix pour éviter à la RDC ce manque à gagner? Pas sûr au regard de la succession des événements ces derniers mois du côté du Vatican. Ces événements, d'ailleurs, poussent plusieurs habitués des couloirs de la Place Saint Pierre à privilégier, avec une certaine dose de certitude, l'hypothèse de la démission de François de ses charges pontificales.
Selon le journal britannique The Guardian, l'inquiétude, dans le pré carré du Vatican, va crescendo quant à l’état de santé de l'Evêque de Rome, plusieurs de ses agissements, ces dernières semaines, laissant entrevoir qu'il va emboîter le pas à son plus proche prédécesseur Benoit XVI.
L'année dernière, le Pape François a subi une délicate intervention chirurgicale d'une stenose (rétrécissement de l'intestin) diverticulaire symptomatique du côlon.
Victime d’une rupture de ligament, ayant sensiblement réduit sa mobilité au point de l’empêcher de se tenir debout sans sa canne et d'exiger un rocking-chair à bord de la Papa mobile, le 265ème Successeur de Saint Pierre a, plus encore, plongé dans la tourmente quand, en début de mois de mai, il s'est publiquement affiché, pour la première fois, assis sur un fauteuil roulant.
Sentiment d'un pontificat bref
A la tourmente, le Pape François en a rajouté une décision "étrange", "inhabituelle" et "inattendue", en convoquant, pour le 27 août prochain, un consistoire. Objectif: créer de nouveaux Cardinaux. Parmi ceux-ci, certains seront éligibles au prochain conclave (rencontre secrète des Cardinaux en marge de laquelle ils élisent le nouveau Pape).
"C’est très étrange d’avoir un consistoire en août. Il n’y a aucune raison de le convoquer trois mois à l’avance et ensuite se rendre à L’Aquila au milieu de celui-ci", a confié Robert Mickens, rédacteur en chef de l’édition anglophone de La Croix, à The Guardian.
La participation du Pape François au festival Perdonanza Celestiniana à l’Aquila, une ville des Abruzzes abritant le tombeau de Célestin V, un Pape ermite qui, après 5 mois de pontificat, a démissionné en 1294, est perçue comme un signe avant-coureur de sa renonciation aux charges papales près de 10 ans depuis son élection en remplacement d'un autre démissionnaire, Benoît XVI.
Ce dernier, quatre ans avant de remettre les clés de l'Eglise, s'était aussi rendu dans cette ville en 2009. Une jurisprudence qui renforce encore plus l'hypothèse d'une démission prochaine de François qui, dès l'entame de son pontificat, avait fait part de sa volonté de voir la démission d’un Pape devenir "chose normale". Deux ans plus tard, il revenait à la charge pour confier qu'il a le sentiment de faire un bref séjour à Vatican.
Laurent OMBA