La chute de Bunagana entre les mains de l’armée rwandaise, le 13 juin 2022, est aussi l’occasion de se poser des questions sur la qualité des généraux FARDC. Officiellement, selon un communiqué des FARDC/Nord-Kivu, l’armée rwandaise n’a engagé que 500 soldats qui, en face des dizaines de milliers de militaires FARDC à Goma et dans le Rutshuru, n’avaient aucune chance d’inquiéter militairement la RDC. Et pourtant ! A qui la faute ? Classiquement, la faute est d’abord de la responsabilité des chefs, et il y a quatre généraux au moins qui posent problème.
1/ Le général Peter Chirimwami. C’est le commandant du secteur opérationnel Sukola2 qui couvre le territoire de Rutshuru, et donc la cité frontalière de Bunagana. Les FARDC dans cette aire géographique sont sous sa responsabilité, et c’est à lui de les manœuvrer pour protéger le territoire national de toute nuisance ennemi. La déroute de l’armée obligée de se réfugier en Ouganda est un échec personnel de ce général. Pour la petite histoire, Chirimwami avait précédemment commandé le secteur opérationnel Sukola1 qui couvre le territoire de Beni. Il a laissé à Beni un bilan catastrophique : 1012 civils massacrés durant ses 12 mois de commandement. Cet officier n’est sûrement pas à sa place dans l’armée, et l’humiliation de Bunagana, après les 1012 morts de Beni, devrait lui ouvrir la porte de sortie vers un autre métier.
2/ Le général Constant Ndima, gouverneur militaire du Nord-Kivu. Aux termes de l’ordonnance de mai 2021 nommant les gouverneurs militaires du Nord-Kivu et de l’Ituri, il est le commandant des opérations, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de cacophonie entre lui et le commandant du secteur opérationnel. Mais dans un régime d’exception comme celui de l’état de siège, c’est son autorité qui doit primer sur celle du commandant du secteur opérationnel. L’incursion d’une armée étrangère sur un territoire en état de siège, et le contrôle d’une grande cité de la taille de Bunagana sont la preuve que Constant Ndima a échoué. Déjà que les groupes armés qu’il était en mission de neutraliser sont toujours actifs et continuent de commettre des massacres, en causant plus de morts qu’avant l’état de siège, quelle raison y a-t-il de le maintenir au poste de gouverneur militaire ?
3/ Le général Mbala Musense, chef d’Etat-major général des FARDC. Il est à la tête des FARDC depuis 2018. Il avait été nommé par Joseph Kabila et fut maintenu à son poste par Félix Tshisekedi. Il est à la tête d’une armée incapable de s’imposer face aux groupes armés, et il ne montre aucun signe de sursaut d’orgueil pour faire respecter son armée face à l’ennemi. Pire, Depuis des années, chaque fois que les militaires congolais sont en état de force et sont au point d’écraser l’ennemi, un ordre arrive de Kinshasa pour demander aux troupes de cesser les combats, voire d’abandonner le terrain à l’ennemi. Un des souvenirs les plus douloureux remonte à mars 2013 lorsque l’armée, qui venait de reprendre le contrôle de la cité de Rutshuru des mains du M23 (toujours le M23), abandonna la ville suite à un « ordre venu d’en haut ». Les soldats congolais étaient visiblement partis la mort dans l’âme, mais expliquaient à la population, qui les avait bien accueillis, qu’ils étaient obligés d’« obéir aux ordres de la hiérarchie ». Trois heures après le retrait des FARDC, le M23 prenait le contrôle de la ville sans un coup de feu. Il faudra de rudes batailles et des pertes dans les rangs de la population et de l’armée, pour que les soldats congolais, menés par le colonel Mamadou Ndala, remettent les pieds dans la cité de Rutshuru, sept mois plus tard. C’est le même scénario qui vient de se produire à Bunagana, et toute l’attention doit se focaliser sur le général Mbala Musense, un fidèle de Joseph Kabila et qui entretient de bonnes relations, depuis des années, avec l’armée rwandaise, la même qui vient de s’emparer de Bunagana de façon humiliante.
4/ Le général Philémon Yav. Il est le Chef d’EM de la 3ème zone de Défense qui couvre l’ancien Haut-Zaïre et le Kivu. Il est décrit comme étant un ultra-fanatique de Joseph Kabila. Son adjoint en charge des renseignements et des opérations, innocent Gahizi, est un Tutsi du Rwanda entré au Congo dans les rangs du CNDP de Laurent Nkunda et Bosco Ntaganda. Les deux ont été nommés par le président Tshisekedi à la tête de la 3ème zone de défense basée à Kisangani en juillet 2020. Depuis, cet espace est devenu un abattoir à ciel ouvert : massacres à répétition à Beni-Irumu, massacres à Djugu/CODECO, M23, Ngumino/Sud-Kivu,… Et rien ne donne à penser que la situation sécuritaire pourrait s’améliorer dans ce vaste espace.
Conclusion
La RDC est dans une défaite militaire humiliante, et le sursaut ne peut venir que des changements radicaux au sein de l’armée. On ne peut pas faire la même chose, avec les mêmes personnes qui ont échoué, et s’attendre à des résultats différents.
Acturdc.com/CC