Le secteur culturel congolais souffre d’un manque de loi sur la politique culturelle qui le régit et détermine l’exercice de chaque discipline artistique, les limites et les droits de tous ceux qui œuvrent dedans. Une lueur d’espoir est venue en octobre 2022, avec les travaux d’amendement de la politique culturelle nationale qui se sont tenus au Musée national de la RDC. Cela a abouti à l’avant-projet de loi déterminant les principes fondamentaux concernant la culture et les arts que la ministre de la culture a porté au niveau du gouvernement.
Avant la mise en œuvre effective de cette politique culturelle, les artistes et culturels pointent du doigt ce vide. Lors de la journée mondiale de la poésie, le poète Olivier Sangi était l’invité du podcast de la culture de ACTUALITÉ.CD et est revenu sur le sujet. Pour la considération comme il se doit de la poésie et des arts dans son ensemble, il estime que ça passe par la politique culturelle.
« S’il n’y a pas une politique culturelle, les gens croiront peut-être que les artistes chanteurs sont plus grands que les poètes », a-t-il dit. Avant de soutenir que la politique culturelle requiert la présence des gens qui doivent valoriser toutes les formes d’arts jusqu’à la spiritualité africaine.
« Il faut essentiellement des gens qui ont de la culture dans leurs veines. Cet homme qui comprend ce que veut dire la politique culturelle, valorisera chaque forme de notre culture et de nos arts. Il faut les connaître pour les mettre à la place qu’il faut. On ne se développe jamais avec la culture, avec l’argent, avec la langue d’emprunt », affirme-t-il.
Olivier Sangi est auteur de plus de 5 recueils de poèmes. En 1993, un de ses livres a représenté la RDC (alors Zaïre) au Marché des arts et des spectacles d’Abidjan (MASA), en Côte d’Ivoire. Il s’agit de son premier bouquin intitulé « Ubema ni Ubeme » (la beauté et la bonté en français). Trois autres œuvres ont représenté le pays en cette année-là : le ballet Pende, la pièce de théâtre Misère de Landu Mayamba et la musique avec Koffi Olomide.
Il déplore le fait que le pays ait de grands poètes qu’on n’enseigne pas dans les écoles, qui ne sont pas connus des enfants congolais. Il estime que la politique culturelle devait réunir tout cela pour que l’Afrique se relève sans apport extérieur.
« Un de mes textes est entré dans l’enseignement mais de façon accidentelle. Mais il n’y a pas de programme d’enseignement qui puisse désaliéner les enfants d’Afrique pour leur donner l’amour d’eux-mêmes. On n’a pas enseigné nos propres génies pour que nos peuples puissent travailler avec. C’est pour cela, moi en tant que poète, je dis à nos dirigeants de mettre en place une politique culturelle et une éducation qui tiennent compte de nous-mêmes », a-t-il dit.
Aussi, évoque-t-il le problème de langue. Dans toutes les langues africaines, il est possible de faire de la poésie qui va donner de la confiance aux enfants pour réellement être réellement fier de nous-mêmes, propose-t-il.
« Si j’étais responsable de l’éducation, la priorité serait de faire de la poésie dans nos propres langues. J’ai commencé ma révolution poétique en faisant d’abord une œuvre totalement en langue africaine, le Tshokwe. Si nous réveillons ces génies de nos propres langues en les mettant par écrit pour que les gens qui viennent puissent analyser ça, puissent découvrir la façon typiquement africaine de vivre sur terre ; beaucoup de choses iront de l’avant », affirme Olivier Sangi.
Pendant la session parlementaire de mars 2023, ouverte depuis le 15, une loi relative à la culture sera adoptée. C’est la proposition de loi relative à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine culturel matériel et immatériel de la RDC. Le Président du Sénat, Bahati Lukwebo, l’a fait savoir à l’ouverture de la session indiquant que cette loi fait partie des arriérés législatifs qui doivent à tout prix être finalisés.
Par ailleurs, les travaux d’amendement de la politique culturelle nationale se sont tenus pendant deux jours au Musée national de la RDC, le 24 et 25 octobre 2022. Ce cadre de réflexion a servi aux participants de consolider des textes disponibles depuis la Conférence nationale souveraine jusqu’à ce jour, pour harmoniser un texte final qui sera porté par la ministre de la culture au gouvernement, avant de le renvoyer au parlement.
Le contenu de l’avant-projet de loi déterminant les principes fondamentaux concernant la culture et les arts renferme plusieurs secteurs et est fondé sur la reconnaissance et le respect des valeurs traditionnelles congolaises et de la diversité culturelle. Cette loi prévoit normalement la remise des distinctions en termes de trophées officiels aux artistes qui les méritent chaque année. Ces titres distinctifs nationaux peuvent ouvrir le droit aux lauréats à l’octroi de passeport diplomatique ou des services faisant d’eux les ambassadeurs de la culture congolaise.
Emmanuel Kuzamba