Depuis vendredi, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) s’est lancée dans la publication partielle des résultats du scrutin présidentiel de décembre 2023. Pour ce premier jour de publication, la CENI a jeté son dévolu sur la diaspora qui votait pour la première fois.
Bien que ne représentant pas grand-chose sur l’ensemble des votants, la diaspora congolaise ne vaut qu’un pour-cent sur l’échiquier électoral national. Cependant, ces cinq pays (Canada, USA, France, Belgique et Afrique du Sud ) ont l’avantage d’être les terres où la diaspora congolaise est la plus significative et permettent par conséquent de tirer quelques conclusions sur le jeu politique congolais.
Déjà le résultat annoncé par la CENI démontre une grande victoire de Félix Tshisekedi dans la diaspora avec des scores allant de 70 à 80% alors que la diaspora a été pendant longtemps, le bastion de l’opposition et donc contestataire vis-à-vis du pouvoir en place. Qu’est-ce qui explique ce vote à la soviétique en faveur de Tshisekedi ? ou mieux, qu’est-ce qui est à la base de cette bérézina de Moïse Katumbi dans la diaspora ?
Un engagement politique absent
Moïse Katumbi qui a quitté la majorité présidentielle de l’époque en 2015, a entrepris un long parcours pour prendre part à la compétition électorale de 2023. D’abord en étant chef de fil du G-7 (Groupe de 7 partis politiques ayant quitté Kabila pour le soutenir en 2015). Ensuite, la mise sur pied de deux regroupements à la veille des élections de 2018, Alternance pour la République (AR) et l’alliance Moïse Katumbi (AMK). Ces regroupements vont former au final « Ensemble pour la République », en 2019, parti de Moïse Katumbi.
Ces regroupements qui se sont regroupés pour former cette mosaïque (Ensemble pour la République) étaient pour la plupart des partis des cadres, mieux des partis individuels pour ne pas dire mallette afin de rester poli. Ils n’étaient donc pas des partis de masse (cfr Maurice Duverger) avec enracinement sociologique et politique comme l’UDPS, l’UNAFEC ou le PALU.
De facto, le parti « Ensemble pour la République » est quasiment inexistant sur le terrain de la diaspora où l’engagement politique est roi. Ainsi, les bureaux de vote dans la diaspora sont installés dans les capitales de ces pays. Il fallait donc pour beaucoup d’électeurs effectuer des déplacements pour voter et aux vus des distances à parcourir dans des pays comme le Canada et les USA. Il faut être politiquement engagé, militant et patriotique à la foi pour réaliser pareilles prouesses pour voter un Président dans un pays où l’on ne vit pas.
Le candidat Katumbi a aussi payé son laxisme sur la question sécuritaire en évitant soigneusement d’indexer le Rwanda et son Président Paul Kagame, sachant que la diaspora congolaise a longtemps été un terrain fertile de l’activisme et à l’engagement contre l’agression du Rwanda et son Président de la République.
Déni de l’évolution politique
Cet échec peut aussi s’expliquer par un déni de l’opposition, particulièrement de Moïse Katumbi, sur le changement dans le jeu politique. Il est fini l’époque d’un président impopulaire dans plusieurs coins du pays et dans la diaspora sans véritables militants. Félix Tshisekedi est un Président en fonction qui a des militants et des sympathisants prêts au sacrifice pour voir leur champion gagner.
En outre, l’adversaire de Katumbi et de l’opposition tout entière, a un parti de masse derrière lui, plus ou moins structuré et enraciné dans la diaspora depuis plusieurs années. Tshisekedi a le mérite d’être assez ouvert. Au milieu de ses nombreux voyages à l’étranger, il n’a pas manqué d’interagir avec la diaspora, de répondre aux préoccupations et questions de ces congolais de l’étranger. Ce n’est pas anodin si le sobriquet de « Béton » est venu de l’étranger, sans oublier qu’il a lui-même longtemps vécu dans la diaspora.
La non prise en compte de ce profond changement dans l’échiquier politique est peut-être à la base de la « Bérézina » de Moïse Katumbi dans la diaspora, pourtant un terrain fertile mieux un bastion de l’opposition depuis de nombreuses années.
Il faut que l’opposition tire les conséquences non seulement de son échec dans la diaspora, mais surtout du changement dans l’appréhension du pouvoir en place, car la vitalité d’une vie démocratique dépend du contrepoids de l’opposition.