Depuis la résurgence du M23, ce mouvement rebelle soutenu par le régime de Paul Kagame n'a cessé d'élargir ses zones d'influence dans la province du Nord-Kivu, malgré les appels au cessez-le-feu de la communauté internationale et d'autres organisations sous-régionales.
À la question de savoir comment comprendre l'absence de progrès des opérations militaires congolaises face à la progression du M23, épaulé par l'armée rwandaise, le Président Félix Tshisekedi tente de relativiser la situation en précisant que dans certains axes "l'ennemi" subit également des pertes énormes face aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo.
« Il faut relativiser. C'est peut-être le cas sur certains axes, mais sur d'autres, nous les repoussons. Et ils ont compté beaucoup de morts dans leurs rangs. Mais cette guerre nous empêche de continuer les réformes de notre armée. Celle dont j'ai hérité était truffée de rebelles qui ont été intégrés après la signature d'accords pour résoudre les précédentes crises impliquant des groupes armés soutenus par le Rwanda. Cela explique les vraies difficultés que nous avons aujourd'hui. Nous devons séparer le bon grain de l'ivraie. Il y a des traîtres dans notre armée. Pas uniquement des rwandophones ; il y a aussi des Congolais d'autres expressions linguistiques. Nous nous battons aujourd'hui à la fois contre un ennemi visible, le Rwanda, et un invisible, ceux qui ont infiltré nos rangs », s'est-il justifié au cours d'une interview accordée à nos confrères du journal Le Monde paru samedi 30 mars 2024.
Au cours de la même interview, Félix Tshisekedi a précisé que les sociétés d'instructeurs ne combattent pas, mais elles sont là pour le renforcement des capacités des forces armées de la République.
« La différence, c'est que les mercenaires se battent et sont payés pour ça. Tandis que les sociétés d'instructeurs renforcent les capacités sur le terrain. Il leur arrive d'être sur le théâtre des opérations, mais ils ne se battent pas », a souligné Félix Tshisekedi.
À la question de savoir si ces sociétés appuient et forment aussi les milices appelées « wazalendo », alliées de l'armée congolaise, Félix Tshisekedi répond :
« Elles ont un contrat avec l'État congolais et ne sont pas là pour entraîner les wazalendo. [Ces derniers] sont des compatriotes de l'est de la RDC, qui ont décidé de prendre les armes pour défendre leur communauté. Cela ne date pas de mon avènement. Au moment de leur création, l'armée ne faisait rien pour les protéger. Nous devons les valoriser et les canaliser. Ce sont des vaillants guerriers, mais ils n'ont pas suivi de formation. Il peut y avoir des atrocités, des débordements », a-t-il fait remarquer dans sa réponse.
En sa qualité de médiateur désigné par l'Union Africaine, le président angolais Joao Lourenço poursuit les discussions avec Kinshasa et Kigali pour une rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame en vue de régler pacifiquement la crise sécuritaire. Malgré la bonne volonté de Kinshasa, le pays de Félix Tshisekedi a posé une série de conditions, entre autres le retrait des troupes rwandaises du sol congolais et le cantonnement des rebelles du M23 et la libération des zones occupées dans la province du Nord-Kivu.
La République démocratique du Congo, dans sa partie Est, fait face à l'activisme des groupes armés étrangers et locaux. À l'Est, la situation s'est détériorée davantage depuis la résurgence des rebelles du M23 soutenus par Kigali. Depuis l'année 2021, plusieurs pans de la province du Nord-Kivu sont sous le contrôle de ces rebelles. Ils veulent un dialogue direct avec Kinshasa, un schéma que rejette l'administration Tshisekedi, voulant dialoguer directement avec Kagame, qu'elle considère comme le parrain du M23.
Clément MUAMBA