La RDC a reçu, jeudi 5 septembre 2024, les premières doses de vaccin contre le Mpox, marquant une étape importante dans la lutte contre cette épidémie qui sévit dans plusieurs régions du pays. Ce vaccin, MVA-BN®, fait partie des 215 000 doses acquises par l'Autorité de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire (HERA) de la Commission européenne, et arrive à un moment où la recrudescence des cas de Mpox inquiète les autorités sanitaires et la population.
Pour comprendre les enjeux de cette campagne de vaccination, les défis logistiques et la stratégie de distribution, la rédaction d’Actualité.cd reçoit Laurent Muschel, Directeur général par intérim et Chef de HERA. Dans cet entretien exclusif, M. Muschel revient sur l'importance de ce vaccin, son déploiement en RDC, et les perspectives à long terme pour renforcer les capacités locales de production de vaccins.
Laurent Muschel s'entretient avec Emmanuel Kuzamba sur les spécificités du vaccin, les populations cibles et les défis de cette campagne de vaccination inédite dans le pays
Emmanuel Kuzamba :
Bonjour M. Laurent Muschel. Aujourd'hui, les vaccins sont arrivés à Kinshasa. Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour les acheminer jusqu'ici ?
Laurent Muschel :
Disons que nous avons agi très rapidement, puisque la déclaration d'urgence sanitaire au niveau continental et international a été faite par Africa CDC le 14 août. En un peu plus de 15 jours, les vaccins sont arrivés. Il a fallu négocier et acheter les vaccins auprès de l'entreprise Bavaria Nordic. Nous avons acquis tous les stocks disponibles pour les acheminer ici. Mais il y avait aussi des contraintes en termes de responsabilité, de préservation de la chaîne du froid et de dédouanement. Ça a été une course contre la montre pour les acheminer aussi rapidement.
Emmanuel Kuzamba :
Environ 100 000 doses de vaccins sont arrivées aujourd'hui, et 200 000 supplémentaires d'ici la fin de la semaine. Sur quoi s'est basé ce chiffre ?
Laurent Muschel :
Cela s'est basé sur les stocks disponibles de Bavaria Nordic. Nous avons pu acquérir l'intégralité des stocks disponibles. Ils relancent maintenant la production pour fournir des doses supplémentaires.
Emmanuel Kuzamba :
Comment voyez-vous l'administration de ce vaccin en RDC, au vu des cas et des contaminations potentielles qui existent déjà ?
Laurent Muschel :
La stratégie vaccinale est en cours de finalisation au ministère de la Santé de la RDC. L'idée est de cibler les foyers de contamination, notamment dans les cercles familiaux, et dans les régions où le virus est prévalent, comme le Sud-Kivu et l'Équateur. Le ministère de la Santé travaille avec des partenaires tels que l'UNICEF, Africa CDC et l'OMS pour mettre en place une micro-planification afin de délivrer le vaccin aux personnes qui en ont le plus besoin.
Emmanuel Kuzamba :
L'Union européenne va-t-elle poursuivre sa collaboration avec les autorités congolaises pour acheminer ce vaccin dans les provinces concernées ?
Laurent Muschel :
Nous discutons actuellement de financements supplémentaires avec d'autres services de la Commission européenne pour soutenir le gouvernement dans l'acheminement des vaccins.
Emmanuel Kuzamba :
Pourquoi ce vaccin arrive-t-il maintenant et pas plus tôt, alors que les autorités congolaises ont alerté sur cette maladie il y a déjà plusieurs mois ?
Laurent Muschel :
Ce vaccin n'est pas arrivé en retard. Il est arrivé après la déclaration d'urgence continentale faite par Africa CDC. Nous ne pouvons déployer les vaccins que lorsqu'une urgence sanitaire mondiale est déclarée.
Emmanuel Kuzamba :
Maintenant que le vaccin est arrivé, qu'est-il prévu en termes de soutien à la production locale de vaccins, notamment en RDC, l'épicentre de la maladie ?
Laurent Muschel :
La production locale de vaccins est un objectif à plus long terme. L'Union européenne a soutenu le développement de capacités de production de vaccins en Afrique à travers le projet MAF+. Nous avons investi plus de 1,3 milliard d'euros pour cela, y compris pour des vaccins à ARNm. Mais pour le Mpox, c'est un vaccin très spécifique, et nous verrons si d'autres entreprises développeront des vaccins.
Emmanuel Kuzamba :
La spécificité de ce vaccin, c'est qu'il n'est actuellement destiné qu'aux adultes. Pouvez-vous confirmer cela ?
Laurent Muschel :
Oui, tout à fait. Le vaccin est autorisé en Europe et aux États-Unis pour les adultes. L'Agence européenne des médicaments étudie actuellement des données pour voir s'il peut être administré aux adolescents de 12 à 17 ans, avec une réponse attendue d'ici la fin du mois. Des essais cliniques sont également en cours en RDC pour adapter le vaccin aux enfants de moins de 12 ans.
Emmanuel Kuzamba :
À part les enfants, existe-t-il d'autres catégories de personnes non éligibles pour ce vaccin ?
Laurent Muschel :
Il n'y a pas vraiment de catégories non éligibles. Certaines catégories, comme les personnels soignants en contact avec les malades, seront prioritaires.
Emmanuel Kuzamba :
Les premières doses seront-elles administrées à Kinshasa ou dans une autre province ?
Laurent Muschel :
Cela dépendra des autorités, mais probablement dans les zones où l'épidémie est la plus forte.