Selon Londres, 130 personnes se sont vu notifier leur possible départ. L’ONU et des associations de défense des droits humains dénoncent une politique « illégale ».
A quelques jours des premiers départs prévus, la justice britannique a autorisé, vendredi 10 juin, le projet controversé du gouvernement d’envoyer au Rwanda des demandeurs d’asile, rejetant le recours d’associations de défense des droits humains.
Le juge de la Haute Cour de Londres, Jonathan Swift, qui examinait l’affaire en urgence, a estimé « important, dans l’intérêt public, que la ministre de l’intérieur puisse mettre en œuvre des décisions de contrôle de l’immigration ».
Les plaignants, dont les associations Care4Calais et Detention Action, ont interjeté appel, qui sera entendu lundi à la veille d’un premier vol transportant une trentaine de demandeurs d’asile vers le pays d’Afrique de l’Est, au grand dam de l’Organisation des Nations unies (ONU) et d’associations d’aide aux réfugiés, qui dénoncent une politique « illégale ». Lundi, la Haute Cour doit également entendre un autre recours, intenté par l’association d’aide aux réfugiés Asylum Aid.
Des associations dénoncent un « programme néocolonial »
Sonya Sceats, directrice générale de l’association Freedom From Torture, s’est dite « déçue », mais a souligné que le combat était « loin d’être terminé », promettant d’utiliser « tous les moyens disponibles » pour que soit abandonné ce qu’elle considère comme un « programme néocolonial ». Ce projet très décrié a aussi été dénoncé vendredi par l’opposition travailliste comme une tentative de « diversion » face aux scandales politiques affaiblissant le premier ministre, Boris Johnson.
En envoyant des demandeurs d’asile à plus de 6 000 kilomètres de Londres, ce qui rappelle la politique menée par l’Australie, le gouvernement conservateur compte dissuader les traversées clandestines de la Manche, toujours plus nombreuses. Depuis le début de l’année, plus de 10 000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse considérable par rapport aux années précédentes.
Lors de l’audience, l’ONU a vivement condamné cette stratégie, par la voix de son avocate. Représentant le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Me Laura Dubinsky a déclaré que l’agence onusienne s’inquiétait du risque de « préjudice grave et irréparable » causé aux réfugiés envoyés au Rwanda, et n’approuvait « en aucun cas l’arrangement anglo-rwandais ». « Le HCR n’est pas impliqué dans l’arrangement entre le Royaume-Uni et le Rwanda, malgré les affirmations contraires de la ministre d’Etat », a-t-elle souligné, accusant le gouvernement de mensonges.
32 demandeurs d’asile seraient envoyés dès la semaine prochaine
Selon l’organisation Care4Calais, quelque trente-cinq Soudanais, dix-huit Syriens, quatorze Iraniens, onze Egyptiens, mais aussi neuf Afghans ayant fui les talibans, font partie des plus de 130 demandeurs d’asile qui se sont vu notifier leur possible départ. Selon l’avocat du gouvernement britannique, Mathew Gullick, trente-deux migrants doivent être envoyés au Rwanda dès la semaine prochaine, et d’autres vols devraient suivre lors des prochains mois.
Le Rwanda, dirigé par Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994, qui a fait 800 000 morts, selon l’ONU, est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d’expression, les critiques et l’opposition politique. Vendredi, vingt-trois ONG ont appelé les dirigeants du Commonwealth à faire pression sur le Rwanda, qui accueillera à partir du 20 juin une réunion de l’organisation, pour que ce pays libère des critiques du pouvoir et permette une plus grande liberté d’expression.
Pour autant, le ministère de l’intérieur britannique se dit « déterminé » à mettre en œuvre son projet, martelant qu’il est « pleinement conforme au droit international et national ». Pour le porte-parole de M. Johnson, ce plan est « la bonne approche, notamment pour lutter contre les gangs criminels qui exploitent les migrants sur les côtes françaises et les forcent à monter dans des embarcations inaptes à la navigation pour effectuer une traversée incroyablement dangereuse vers le Royaume-Uni ».
Le gouvernement a laissé entendre que les demandeurs d’asile pourraient s’installer définitivement au Rwanda. Le gérant du Hope Hostel, à Kigali, qui se prépare à les accueillir, a souligné que son établissement « n’est pas une prison », mais un hôtel duquel les résidents seront « libres » de sortir.