Le gouverneur militaire de la province de l’Ituri, le lieutenant-général Johnny Luboya Nkashama, a rassuré, mardi, que l’état de siège décrété par le Président de la République n’est pas un échec, au cours du briefing de presse qu’il a animé conjointement avec le ministre de la Communication et médias, Patrick Muyaya Katembwe.

Selon cet officier supérieur chargé du commandement des opérations militaires en Ituri, les efforts déployés par les FARDC pour le rétablissement de la paix et de l’autorité de l’Etat dans cette province, en proie à l’activisme des groupes armés, sont fort remarquables au regard de la mission en trois phases leur confiée, à savoir : la sécurisation de la ville de Bunia, la réouverture des grands axes routiers (RN 27 et 4) et la récupération des grandes agglomérations occupées par ces derniers.

A ce jour, a-t-il affirmé, les deux premières phases sont accomplies par nos forces armées qui ont sécurisé la ville de Bunia et rétabli le trafic routier sur les grands axes, tandis que la dernière est en pleine opération.

Celle-ci a permis d’éloigner et de chasser ces groupes armés de leurs centres d’intérêt, les rendant ainsi en errance, a-t-il souligné avant d’évoquer quelques difficultés dans les opérations étant donné que certains groupes sont constitués des compatriotes congolais, particulièrement la CODECO, dont il a estimé l’effectif entre 8.000 à 10.000 éléments.

« Soyons dans l’unité et la cohésion nationale », a lancé le lieutenant-général Johnny Luboya Nkashama, dans son message de résilience aux FARDC et à la population, avant de solliciter l’accompagnement de toute la communauté nationale à soutenir les troupes loyalistes afin de neutraliser les différents groupes armés et terroristes sur lesquels l’armée loyaliste exerce une forte pression militaire.

Tout en saluant le rôle joué par la Police nationale congolaise (PNC) dans les opérations de sécurisation des agglomérations récupérées par les FARDC, le gouverneur militaire de l’Ituri a exprimé son optimisme quant au retour de la paix dans cette partie du pays.

Pour sa part, le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya a rassuré de la détermination de Kinshasa à combattre l’ennemi et à ramener la paix dans la province de l’Ituri.

« Nous avons été affectés particulièrement par les massacres que continuent de subir nos compatriotes innocents de la part de ces groupes barbares mais cela n’ébranle en rien notre détermination comme gouvernement à ramener la paix à tout prix dans cette partie du territoire national », a-t-il déclaré.

Stéphie MUKINZI M & ACP/CC



L’armée ougandaise va retirer ses troupes dans l’Est de la République démocratique du Congo, a annoncé mardi la haute hiérarchie de l’UPDF après une opération conjointe avec les FARDC contre les ADF depuis la fin de 2021. Ce retrait interviendrait dans deux semaines.

« L’opération Shujaa cessera officiellement dans environ 2 semaines selon notre accord initial », a tweeté le commandant des forces terrestres ougandaises Muhoozi Kainerugaba – également fils de Museveni – qui précise que « cela devait durer 6 mois. À moins que je reçoive d’autres instructions de notre commandant en chef ou CDF (chef des forces de défense), je retirerai toutes nos troupes de la RDC dans 2 semaines ».

Dans le cadre des opérations conjointes avec les FARDC pour combattre les rebelles islamistes des ADF – originaires de l’Ouganda – 1.700 militaires de l’armée ougandaise (UPDF) ont été déployés sur le territoire congolais. Des sources militaires et sécuritaires signifiaient qu’il s’agissait des militaires des forces spéciales et de l’infanterie de l’UPDF déployés avec leur artillerie et blindés. À l’instar de la MONUSCO, ce déploiement a constitué la plus grande intervention étrangère au Congo depuis plus d’une décennie.

État de siège, un an « inutile »

Les forces ougandaises, bien que déployées sur le sol congolais en fin d’année dernière, leur présence entrait dans le cadre de l’état de siège décrété par Kinshasa pour pacifier l’Est de la RDC. Un an plus tard, la décision de Tshisekedi semble ne pas glaner les résultats escomptés.

En un an, la situation s’est dégradée dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. « Nous pensions que le siège mettrait un terme aux ‘‘tracasseries’’, mais en fait c’est bien pire », déclare un responsable de la société civile, sous couvert d’anonymat. Il déplore qu’à présent, « les exactions militaires ont lieu à ciel ouvert et en toute impunité ».

Selon le baromètre de Kivu, le nombre de morts lors d’attaques a plus que doublé dans la région. Martin Fayulu, principal opposant de Félix Tshisekedi, estime que le régime instauré dans ces régions constitue une « souffrance atroce pour le peuple congolais ». Il préconise le déploiement d’une unité « tout au long de nos frontières à l’est du pays ».

« Etat de siège : Un an de tâtonnements inutiles et de souffrance atroce pour le peuple congolais. La #RDC a besoin des institutions légitimes et d’une armée nationale digne de ce nom. Une unité devra être déployée tout au long de nos frontières à l’est du pays », soutenait Martin Fayulu.

Vers la fin de l’état de siège malgré tout ?

Le Président de la République, Félix Tshisekedi a annoncé la tenue dans les prochains jours, d’une table ronde devant décider de l’avenir de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.

Cette décision a été prise lors d’une réunion élargie qu’il présidée mercredi 04 Mai à la cité de l’union africaine et fait suite du rapport lui soumis par le premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde en plus du mémorandum des présidents de caucus des élus provinciaux

Au cours de cette réunion qui est intervenue à 48 heures de l’an un de cette mesure sécuritaire spéciale, il était question de faire au chef de l’État, un rapport détaillé de la récente mission effectuée par le chef du gouvernement dans les provinces sous état de siège.

Selon le service de communication de la présidence, l’initiative de la convocation d’une table ronde devant décider de l’avenir de l’état de siège a été saluée par le caucus des députés du Nord-Kivu et de la province de l’Ituri qui attendent des prochaines assises des propositions concrètes pour ramener la paix dans cette partie du pays.

La Commission Défense et Sécurité de l’assemblée nationale et du sénat a promis quant à elle d’apporter tout son appui pour la réussite de ladite table ronde.

« Avec cette convergence des vues, tout porte à croire que les prochaines assises pourront déboucher sur de bonnes pistes devant permettre de pacifier l’est de la RDC », rapporte la même source.

Il sied de rappeler que l’état de siège a été prorogé pour la 23e fois de suite mardi dernier par le Parlement. A cette occasion, le speaker de la Chambre basse du Parlement, Christophe Mboso, avait expliqué la nécessité d’autoriser cette énième prorogation de l’état de siège avant l’évaluation de cette mesure exceptionnelle comme décidé par les élus du peuple.

Stéphie MUKINZI M



"Je ne porte pas sur mes mains le sang Mzee, à qui je suis resté fidèle et loyal jusqu'à la mort et même après celle-ci". 

C'est la déclaration faite par le colonel Eddy Kapend, le mardi 17 mai 2022, à l'occasion de la commémoration de la journée nationale "de la Révolution et des Forces armées de la République démocratique du Congo", journée qui marque le renversement du régime Mobutu par Mzee Laurent Désiré Kabila.

Devant la presse, il a affirmé que l'opinion a été trompée et lourdement manipulée par les ennemis du peuple congolais pour cacher la vérité et le sacrifier au sujet de l'assasinat de celui qu'on a surnommé, non sans raison, de "soldat du peuple".

Le colonel Eddy Kapend a saisi cette occasion pour exprimer sa disponibilité à servir sa nation, derrière la vision du président de la République et chef de l'État Félix-Antoine Tshisekedi, à prêter mains fortes aux efforts déployés par ce dernier pour pacifier la RDC en général, particulièrement sa partie Est.

"En ce qui me concerne, je ne ménagerai aucun effort pour répondre à l'appel de la patrie, derrière le chef de l'État, Félix-Antoine Tshisekedi, dont la volonté ne fait l'ombre d'aucun doute, pour sortir le pays de l'insécurité qui sévit à l'Est, consolider l'unité du pays afin d'engager le pays dans l'exaltante œuvre de la réconciliation nationale", a-t-il indiqué.

Parlant  du forum sur la réconciliation des Katangais qui se tient actuellement au Haut-Katanga, l'ancien membre de la sécurité rapprochée de feu président Laurent Désiré Kabila a affirmé que la vraie réconciliation est au niveau national, pas réduite à une province. Il a mis en garde contre une réconciliation sur fond des calculs politiciens.

Avant de clore son propos, Eddy Kapend a proposé que le forum sur la réconciliation des Katangais qui se tient à Lubumbashi puisse élargir son thème et le reformulant de la manière suivante :  "Frères et sœurs un jour, frères et sœurs toujours, avec tous les Congolais".  Une façon pour lui d'insister sur l'unité nationale, plutôt que celle d'une communauté donnée.

Arrêté et transféré à la prison centrale de Makala au lendemain de l'assassinat de Mzee Laurent Désiré Kabila en 2001, Eddy Kapend a recouvré la liberté le 8 juin 2021, à travers une grâce présidentielle de Félix Tshisekedi signée au mois de décembre. Condamné à la peine capitale le 7 janvier 2003, pour « attentat, tentative de coup d’État, complot, association de malfaiteurs, disparition d’armes de guerre, abandon de poste, trahison », Eddy Kapend a passé 20 ans en prison avant sa libération.

Orly-Darel Ngiambukulu



Les chefs d'antenne du Fonds Forestier National (FFN) au Nord-Kivu, Lualaba, Tanganyika et Tshopo ont été suspendus depuis le 13 mai 2022 pour "malversations financières et coulage des recettes".

D'après le directeur général du Fonds forestier, Honoré Mulumba, c'est plus de 500 millions FC qui ont été détournés par ces chefs d'antennes.

"Au mois d'avril, nous avons envoyé une équipe d'audit là-bas qui a trouvé qu'il y avait beaucoup de détournements. Nous étions donc obligé de suspendre tous ces chefs d'antenne qui vont rejoindre la direction générale pour contrôle. L'impunité est arrivée à un niveau où on ne peut pas supporter. Nous sommes en train de mettre de l'ordre", a dit Honoré Mulumba.

Et de préciser : "C'est plus de 500 millions FC détournés. Certains ont même ouvert des comptes bancaires parallèles. C'est très grave ça".

Le Fonds forestier national est un établissement public à caractère technique et financier, sous tutelle du ministère de l'environnement et de développement durable.  Il a pour rôle d'assurer le financement des opérations de reboisement, d'aménagement forestier et de toute autre opération de nature à concourir à la reconstitution du capital forestier sur toute l'étendue de la RDC.

Bienfait Luganywa



Le parti politique Nouvel Elan de l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito a annoncé, mardi 17 mai, son désengagement de la structure dite « Bloc patriotique ».

Le porte-parole de ce parti de l’opposition, Albert Mukulunudu, soutient cette démarche et accuse certaines plateformes du bloc patriotique de jouer le double-jeu :

« Nous rejetons le fameux bloc patriotique parce qu’il ressemble à l’Union sacrée. Et puis il ne dispose d’aucun acte constitutif et regorge en son sein les auteurs du hold up électoral du 30 décembre 2018 ».

Il dit avoir constaté que certains membres du Bloc Patriotique jouent le double jeu pour affaiblir la lutte menée par Lamuka en vue d’obtenir des réformes institutionnelles.

Albert Mukulunudu a également démenti les rumeurs sur l’adhésion du Nouvel Elan à l’Union sacrée, plate-forme soutenant le pouvoir en place.

Pour lui, Nouvel Elal continue d’exiger des reformes consensuelles pour un processus électoral démocratique, transparent et apaisé, tel que prôné par Lamuka.

Le Bloc patriotique est composé de forces politiques et sociales de la RDC dont le Front commun pour le Congo (FCC), la coalition LAMUKA, les laïcs catholiques (CALCC) et protestants (MILAPRO).

radiookapi.net/CC



Beaucoup de chrétiens catholiques espéraient que la canonisation des bienheureux Isidore Bakandja et Anuarite Nengapeta se déroulerait pendant la visite en juillet du Pape François. Cependant, cela n’est pas inscrit dans l’agenda du souverain pontife.

« Cela ne dépend pas du voyage du pape. Il y a des conditions pour qu’un bienheureux soit proclamé saint. Il y a des miracles qui ont été attestés et qui sont sous étude. Il faudra que toutes ces questions arrivent à Rome, que le processus soit finalisé », a déclaré le Cardinal Fridolin Ambongo, au cours d’un space, une conversation audio en direct sur Twitter, avec des journalistes.

Catéchiste laïc, Isidore Bakanja (1885-1909) est reconnu par l'Église catholique comme étant un martyr de la foi. Il a été béatifié par le pape Jean-Paul II  en 1994. Sa fête liturgique est célébrée le 12 août.  De son côté, Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta née en 1939  a été assassinée en 1964 en martyre de la pureté. La religieuse des sœurs de la Sainte-Famille a été béatifiée à Kinshasa par le pape Jean-Paul II le 15 août 1985 lors de son voyage au Zaïre. 

La canonisation, c’est-à-dire, la déclaration officielle et définitive de la part de l'Église catholique et des Églises orthodoxes, reconnaissant les deux figures de l'Église du Congo comme des « saints » prendra encore du temps.

« Nous regrettons que cela ne coïncide pas avec la visite du pape, mais cela est une autre chose », a dit le Cardinal qui ne perd pas espoir. 

Et d’ajouter : 

« Nous ne désespérons pas. Cela peut être une raison pour un deuxième voyage du pape au Congo, pour la canonisation de nos bienheureux. C’est notre souhait. Mais les dossiers ne sont pas prêts ».

Contexte 

Le Pape se rendra en RDC au Soudan du Sud du 2 au 7 juillet. Ce sera le premier voyage du souverain pontif (85 ans) au Congo-Kinshasa. Le dernier séjour d’un pape à Kinshasa remonte à août 1985. Jean-Paul II avait passé deux jours au Zaïre. Aujourd’hui, la RDC est une place forte du catholicisme en Afrique avec environ 40% de la population qui serait catholiques. L'Église est d’ailleurs quasi omniprésente dans la vie publique. De l’indépendance du pays en passant par la Conférence nationale souveraine aux récentes luttes pour les élections crédibles, les évêques sont toujours impliqués d’une manière ou d’une autre dans la vie publique. L’église est également très présente dans l’appareillage scolaire à travers des écoles dites conventionnées.

actualite.cd/CC


L’homme de lettres Philippe Masegabio est décédé lundi 16 mai à Kinshasa. L’information a été confirmée par les sources familiales. Docteur en lettres et philosophe de l’Université Lovanium, cet homme de culture était respecté et salué. 

La rédaction vous propose l’hommage d’André Yoka Lye Mudaba à l’occasion de la présentation de l’une de ses dernières œuvres.

Présentation de Philippe MASEGABIO, Tchicaya U Tamsi, le feu et le chant . Une poétique de la dérision

Je remercie mon grand frère et néanmoins ami,  Philippe Masegabio (« Ya Filipo », pour nous ses cadets, « Philmas » chez les intimes), pour m’avoir offert cette belle opportunité de présenter son dernier essai critique, Tchicaya U Tamsi, le feu et le chant. Une poétique de la dérision.

Mais quelle épreuve que de se livrer  à l’exercice périlleux de la critique d’un critique. Mais quelle épreuve de tenter de refaire l’itinéraire imaginaire et poétique d’un immense auteur comme Tchicaya U Tamsi ! D’autant plus que l’auteur lui-même Masegabio, poète émérite, n’est pas loin des sentiers tracés par l’aîné, qu’il a fréquenté d’une certaine manière, en direct et en différé, selon le temps et l’espace ; qu’il a étudié de près, qu’il a en quelque sorte « défolié », qu’il a (et c’est de bonne guerre !)  déconstruit  et reconstruit pour des raisons de décryptage et d’’analyse… Si l’on ajoute à cela quelques similitudes d’itinéraire imaginaire et de style,  qui allient à la fois politique et poétique, à la fois surréalisme  totémique et orthodoxie  stylistique, à la fois recours à la mythologie classique et message rédempteur, à la fois posture intellectuelle, aristocratique et tendances libertaires ; si l’on ajoute cela, on comprend l’admiration, voire la fascination  de Masegabio. Mais il est prudent d’arrêter là la comparaison. Comparaison, n’est-ce pas, n’est pas raison. Peut-on d’ailleurs comparer celui qui se considère lui-même comme un « fan » mais vigilant, par rapport à celui qu’il tient en grande estime  comme  une « star », au sens propre d’ « étoile brillante »…

Ah, tant pis pour moi  pour m’être  aventuré sur ces sentiers éprouvants  d’un pèlerinage  risqué. Dieu merci, je connais un peu Philippe. « Un  peu-beaucoup », comme disent les Kinois : n’est-ce pas Masegabio  qui  a guidé  mes premiers  pas de critique littéraire en herbe  dans l’organe éditorial  qu’il  dirigeait alors au sein de l’Office National de Recherche et de Développement, à savoir la revue DOMBI.  N’est-ce pas Masegabio, en 1972,  qui, lors de la création de l’Union des Ecrivains Zaïrois, au  Goethe Institut, m’a embarqué dans le tout premier comité       comme membre effectif, malgré ma fougue de  « jeune Turc »   piaffant d’impatience et d’impertinence. N’est-ce  pas Masegabio alors ministre de la Culture qui, en 1985-86, me prépare à rempiler à la tête de la Compagnie du Théâtre National, afin d’y ramener la paix  et une certaine rationalité managériale. N’est-ce pas avec Masegabio ainsi que d’autres collègues et amis, que dans les années 2000, nous nourrissions le vœu de construire le pont symbolique sur le Congo à partir de la littérature, et une synergie interactive, avec le pôle artistique et culturel de Lubumbashi, singulièrement de l’UNILU.  N’est-ce pas, grâce à la thèse de Doctorat de  Masegabio  défendue en 2014  à  l’UNIKIN  que  j’ai  pu, pour ainsi dire,  faire davantage la connaissance de Tchicaya U Tamsi et me réconcilier avec sa poésie.

L’on a compris   combien  les chemins   de l’amitié et du savoir sont insondables et redevables à  la  providence quand ils se croisent…

L’on a compris que  l’ouvrage sous examen  est une reconstitution plus éclectique de la thèse, en commençant par le titre revu, le titre initial ayant été : « Le rire, ses valeurs figuratives et ses fonctions dans l’œuvre poétique de  Tchicaya U Tamsi ». L’essai  en question (paru à Paris,  aux Editions le Harmattan, 2019)  comporte 306 pages et est réparti en 4 parties consacrées respectivement : 1) aux variations            conceptuelles, 2) aux éléments biographiques, 3) au décodage des valeurs figuratives du rire, 4) aux fonctions du rire.

En fin de compte, que retenir de tout cela, forme et  fond ?

Philippe Masegabio est égal à lui-même et à sa réputation d’écrivain et de critique : séducteur mais intransigeant, méthodique mais réceptif, érudit mais mesuré. L’étude proprement dite, « concerne la recherche et l’identification des signifiants du rire , leur mode de fonctionnement   et la signifiance de l’œuvre poétique de Tchicaya U Tamsi » (Masegabio).  Les axes méthodologiques font montre d’une interdisciplinarité intégrée, éclairée, éclectique : l’analyse du contenu et la stylistique le disputent à la sémiotique de la littérature    là  où la poétique, en tant qu’analyse de l’acte de création rejoint l’herméneutique.

Au demeurant, l’auteur Masegabio a réussi  une sorte de compromis savant, c’est le cas de le dire, en réunissant à bon escient les ténors   de la théorie du langage et de la sémiologie, de la déconstruction et de la sémantisation : les théories de l’Américain Charles Sanders Pierce  sur le courant pragmatiste et la triade signe-objet-interprétant ; celles du Danois  Louis Hjelmeslev sur la glossématique, celles de l’Italien Umberto Eco sur l’encodage et le décodage du signe-image ; celles du Français Roland Barthes sur la sémiologie de la représentation et la sémiologie de la communication ; celles du Français Gérard Genette sur la narratologie et singulièrement sur la transtextualité ; celles de la Franco-bulgare  Julia Kristeva sur la psychanalyse du langage et singulièrement l’intertextualité ; enfin celles du Russo-américain Roman Jakobson sur l’analyse structuraliste…

Cette approche interdisciplinaire a eu l’aura de détecter non seulement les pépites poétiques, non seulement les interférences autobiographiques, mais aussi la magie illocutoire et perlocutoire de l’engagement éthique et esthétique.

Nous ne dirons qu’un simple mot de ces interférences biographiques, puisque l’auteur a conscience, contrairement à certaines théories carrément formalistes,  que ces interférences  ne sont pas totalement absentes comme impacts dans l’acte d’écriture. L’on sait en l’occurrence que de son vrai prénom Gérard –Félix et, fils d’un parlementaire,  Tchicaya arrive à Paris à 15 ans. Infirme dès l’enfance, Tchicaya a vécu dans une sorte de solitude pesante  par rapport à ses parents, et notamment de sa mère ; ce qui a influencé une écriture tour à tour nostalgique,  aigre-doux, et impétueux.

Parlons du fond à présent.   Justement le titre employé par Masegabio «  Le feu et le sang » rend compte  de l’état d’esprit de ce poète écartelé, « écorché vif », à travers d’une part  le feu ( métaphore de la passion au sens plein, comme  révolte ontologique,  métaphysique, voire politique) ;  mais aussi, d’autre part  le chant   (sublimation de la souffrance et de cette « passion »). La thématique de la passion, pour Tchicaya,  renvoie certes au Christ mais aussi, plus près de nous, au martyre de Patrice Emery Lumumba. La mort de Lumumba, pour lui, n’est- ce pas « le chant éteint », n’est-ce pas « la parenthèse de Kinshasa », « la parenthèse de sang », pour parler comme Sony Labou Tansi ! «Malheur à l’oiseau ivre

              A quoi bon japper

              C’est de l’arc musical

              qu’il faut jouer en ces pays

              Le jour est assez noir pour l’ordalie

              Nos âmes nos vies ont la boue… »

Qu’est-ce donc finalement la « poétique de la dérision », chez Masegabio, sinon l’ensemble des procédés de parturition symbolique, de « magie suggestive » (Baudelaire) dans ses fonctions protéiforme et multiforme, c’est-à-dire :  sémiotique, métaphorique, pragmatique, propitiatoire…  Propitiatoire, oui,  sous l’impulsion de la dérision, une forme sociodramatisé du rire. Rire à la fois polyphonique, polysémique et prophylactique. Rire égrillard et  poivre-et-sel du griot africain ;  rire évocateur  et grinçant d’Aristophane, rire sulfureux et cathartique de Molière, rire métaphysique chez Bergson, rire jaune et d’angoisse kafkaienne, « rictus orgueilleux » (selon Tchicaya), comble de la ubris de Prométhée contre les dieux, ce phénomène, le rire,  au cœur et au ventre de l’homme, est à la fois défouloir et épouvantail, à la fois totem et tabou. « Le rire, écrit Tchicaya, est le seul uniforme  que je n’ai jamais porté en haillons dans les orgies/ Il gardait   mon cœur contre mes appétits d’ogre ».

En fin de compte, Philippe Masegabio a réussi un vrai pari, celui de faire exploser le rire énigmatique de Tchicaya    U Tamsi   tantôt en feux de brousse, tantôt en feux d’artifice   éblouissants. Mais tantôt en revanche,  en pied de nez contre les dieux, contre le pouvoir religieux, contre les potentats, contre les  idéologies hybrides et incantatoires comme la négritude, bref ; contre les fausses dévotions.

Philippe Masegabio a réussi ce pari, je le répète, parce qu’ il est lui-même pèlerin et adepte du Beau, du Vrai et du Surréel, selon ses propres mots, ce qui constitue en fait … sa  véritable somme première et son talisman ; il est pèlerin toujours en quête de son renouvellement, de la jubilation intérieure, de sa jouvence inaltérable, là où la cendre demeure : pour Masegabio comme pour Tchicaya, chaque jour est … le jour de l’Eternel ; chaque jour est le rire décapant et capiteux pour avoir réussi à passer le lac des caïmans. Le caïman n’est-il pas le totem du grand large et même de l’au-delà des rivages ! Comme on dit chez nous, aux crapauds des mares, aux poissons d’eau douce, il est impossible de rêver d’être caïman  des grands lacs, de rêver de l’au-delà des rivages et des horizons !

Mais finalement, poète avant tout,   Masegabio est passeur, au-delà des rivages et des horizons. C’est ainsi qu’à travers son décryptage de  l’œuvre de Tchicaya, la mythologie du rire retrouve sa valeur spécifiquement humaine, sa valeur universelle de  déconstruction et de construction du langage, de l’expression en profondeur du destin coexistant de tout homme et de tout l’homme.

L’essai de Philippe Masegabio  est à ranger dans la catégorie et dans le registre  de ce qu’on a appelé et qu’on appelle les « études postcoloniales » ; non pas en termes chronologiques de l’après-colonisation, mais en termes idéologiques et critiques de la remise en question radicale des fondements et des vestiges culturels de l’esprit colonialiste ; et cela, au nom de la  contemporanéité authentique et de la prophylaxie mentale et intellectuelle, comme jadis l’avait proclamé Mabika Kalanda…

 Kinshasa, 11 février 2020

Pr  Lye M.  YOKA



Le 17 mai 1997, Kinshasa est investie par les troupes de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo). Stupeur et tremblements !

La veille, le Maréchal Mobutu avait détalé de Kinshasa comme un lapin. Et pourtant, les courtisans l’avaient surnommé « Grand léopard ». C’était à l’époque du mobutisme triomphant ! Il martelait sa canne  avec force  en vociférant : On ne dira jamais de moi, voici l’ex-président Mobutu ! Vanité des vanités, tout est vanité !

L’histoire nous réserve toujours des surprises. Il affirmait que le chiffre 4 lui portait chance. Apparemment, le chiffre 7 lui a porté la poisse. Il a perdu le pouvoir le 17 mai 1997 et il est décédé le 7 septembre 1997 à Rabat (Maroc). Saperlipopette !

D’après mon ami qui sait tout, le Zaïre fut en fait agressé par l’Angola, le Burundi, l’Erythrée, l’Ouganda, le Rwanda et le Zimbabwe pays auxquels s’ajoutèrent quelques mercenaires américains, allemands, sud-africains. La logistique était américaine. Pour donner une coloration locale à cette expédition, un parti politique hétéroclite fut créé. Il s’agit de l’AFDL. Enfer et damnation !

Plus tard, Mzee Kabila dira de l’AFDL que c’était un conglomérat d’aventuriers. Sapristi !

Grâce à une campagne de désinformation savamment distillée, les puissances envahissantes déclarèrent urbi et orbi que la rébellion avait été fomentée par des Banyamulenge réclamant la nationalité zaïroise.

Le Zaïre de Mobutu n’avait plus aucune importance stratégique pour les Occidentaux après la fin de la guerre froide.

L’Ouganda de Museveni avait plus d’importance comme il était utilisé pour déstabiliser le Soudan qui avait donné son pétrole aux Chinois. 

D’après mon ami qui sait ce qui se passe dans tous les coins et recoins de Kinshasa la déglinguée, dès son arrivée, l’AFDL organisa la chasse à l’homme de tous les mobutistes.

Il en fut de même de leurs voitures rutilantes et de leurs superbes villas. Une traque systématique et généralisée fut mise en place. Elle ne laissa rien au hasard. Des habits confisqués furent aussitôt endossés par les « révolutionnaires ». Des super prédateurs !

Pour les besoins de la cause, ils s’improvisèrent nationalistes et héritiers de Lumumba au nom de l’indépendance et de l’identité congolaise. Ils développèrent même un discours panafricain qui séduisit les foules et fit craindre les pays voisins qu’ils ambitionnaient de libérer.

Le peuple qui manifestait hier ad nauseam contre l’occupation applaudit. Les critiques les plus virulents baisèrent les pieds des  nouveaux maîtres amenés dans les valises des envahisseurs.

Une nouvelle race apparut par génération spontanée. Celle des délateurs. Ils étaient pires que les bourreaux. La dias-pourrie qui jusque-là gaspillait son temps dans de petits boulots en Europe et en Amérique retourna au pays occuper les places laissées vacantes par les mobutistes fuyards.

Très tôt, la dérive totalitaire s’installa. Restriction des libertés individuelles, oppression brutale, tortures, assassinats, prise en otage des parents des personnes en fuite poursuivies par la police politique etc.

Très vite, le peuple fut « libéré » du courant électrique, des emplois, de la vie, des richesses etc. On réalisa que Mobutu n’était qu’un petit prédateur, un enfant de cœur face aux « révolutionnaires ».

Le pays se transforma en une catastrophe humanitaire. Qui l’eût cru ? Qui l’eût dit ? Plus ça change, plus c’est la même chose.  On dit chez nous que le feu qui flambe vite s’éteint.

GML

A Propos

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Ali Kalonga

Directeur de la Rédaction

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