D’un Gouv de la BCC, le Congolais lambda autant que l’élite n’attendent que deux choses : la stabilité du taux de change et la maîtrise des prix intérieurs. À sa nomination, le cours indicatif de la BCC affichait 1 USD/ 1989 CDF, et, sur le marché parallèle, le taux de change était déjà à 2 000 CDF/$. Près de trois ans après, la monnaie nationale s’est complètement dégringolée face au billet vert. Selon la note d’information hebdomadaire de la Banque centrale portant sur la période du 7 au 14 juin 2024, le taux de change BCC s’est établi à 2834,18 CDF/$, et au parallèle à 2852,51 CDF/$. Le franc congolais s’est donc dévalué de près de 143%, et on frôlerait les 150% si l’on considérait le taux parallèle, qui est le plus achalandé et celui de la réalité du marché. L’on n’est pas retombé dans le cycle abyssal de la dépréciation de dernières années de la Banque du Zaïre, avec des gouverneurs Joseph Buhendwa, Godefroid Ndiang Kabul et Patrice Djamboleka Loma Okitongomo. À l’époque, suite à la rupture unilatérale de coopération avec le Zaïre décidée par les bailleurs de fonds, la Banque centrale se ravitaillait en devises fortes auprès – tenez-vous bien!- des creuseurs et négociants de diamant à Mbuji-Mayi, fief naturel de l’UDPS qui s’est déclarée alors opposition radicale !
Pour autant, les managers de la BCZ se trituraient les méninges pour doter le pouvoir d’achat du fonctionnaire d’une bouée de sauvetage face à la bourrasque de l’inflation. On a du mal à croire que la BCC a bénéficié d’un lit de 3,4 milliards de dollars des réserves en devises grâce aux appuis des institutions de Bretton Woods. Les réserves internationales ou réserves de change à la Banque centrale du Congo ont atteint 3 356,76 milliards de dollars américains au 17 septembre 2021, soit deux mois seulement après la nomination de Mme Malangu et de son équipe. La gouverneure s’était d’ailleurs félicitée de ce niveau record des réserves jamais atteint par la RDC. Cette performance n’est nullement le fruit d’une stratégie quelconque mûrie par la team manager de la BCC. D’ailleurs le communiqué de presse publié, le 21 septembre 2021 par la BCC cite parmi les facteurs de cette embellie des réserves de change, l’encaissement de l’allocation des droits de tirages spéciaux du Fonds monétaire international (FMI) équivalent à 1,5 milliard de dollars.
– Le ras-le-bol de Félix Tshisekedi –
Mais fin 2023, l’opinion fait le bilan du quinquennat de Félix Tshisekedi et note, parmi ses points faibles, la chute continue du franc face au dollar. Lors de la campagne électorale pour la présidentielle, le candidat du pouvoir avait étalé, sur les ondes de Top Congo, tout son mécontentement sur le management de la Banque centrale. “Ce n’est pas dans mes prérogatives, mais par deux fois, j’ai convoqué une réunion avec les autorités de la BCC, pour leur demander ce qui ne marche pas…”, avait, en substances, confié le président-candidat sur la sempiternelle question de taux de change.
Mais à la BCC, le triumvirat, Malangu, Fikiri et Pambu, ne se montre guère à la hauteur de ce que le président attend de la BCC : de 2 300 CDF/$, quelques mois plus tôt, le dollar au taux indicatif de la BCC s’échange à 2679.60 FC , le 29 décembre 2023. Alors même, sur différents marchés de la capitale, autant que les cambistes de rue, tout le monde s’active à ce que la barre névralgique de 2500 CDF le dollar ne soit pas dépassée avant les festivités de nouvel an. Dans différents carrefours de la capitale (Rond-point Ngaba, Lemba-Super, Limete Place commerciale, Kintambo Magasin… DGC), des cambistes se passent le mot pour rabattre même le taux à 2450 CDF/$, question de ne pas enflammer les tarifs de biens et services.
– La BCC s’emmêle les pinceaux –
Six mois plus tard, la BCC s’emmêle les pinceaux avec des options superflues et contradictoires. En l’espace de 72 heures, Mme Malangu se rebiffe sur la décision imposant aux sociétés financières de paramétrer leurs terminaux de paiement électroniques (TPE) uniquement en franc congolais. La décision, s’est reprise, le 6 juin 2024, la Gouv, ne concerne pas les distributeurs automatiques des billets. « Il s’agit des terminaux qui sont dans des magasins, à la caisse. Lorsqu’un client a fini de faire ses courses, il peut payer à la caisse. Il peut payer avec des billets, tout comme il peut payer avec une carte bancaire. Il faut faire la différence. La mesure ne vise pas les distributeurs automatiques des billets », a indiqué Malangu Kabedi. L’option levée d’accompagnement du franc congolais dans le secteur du paiement est pourtant contenue dans sa lettre datée du 3 juin, adressée aux directeurs généraux des établissements de crédits et sociétés financières. Des experts en économie et finances publiques dont le prof Godé Mpoy ont pris d’assaut les réseaux sociaux pour démolir la principale motivation de la BCC selon laquelle qu’à travers cette mesure, l’institut d’émission veut renforcer son dispositif d’encadrement du secteur de paiement, en lien avec les mesures d’accompagnement du franc congolais. Et comme pour se couvrir des effets-retour du “marché exclusivement en francs congolais”, Mme Malangu soutient que ces mesures ont été prises lors de la réunion ordinaire du Conseil des ministres du gouvernement de juillet 2023. Et pourquoi avoir mis près d’une année pour les mettre en exécution ? L’on serait tenté de répondre que la Gouv de la BCC n’en ferait qu’à sa tête. Avec l’accompagnement de deux vices-gouverneurs dont l’un s’est même auto-rétrogradé en chargé de communication en signant des communiqués de presse maladroitement rédigés. L’opinion se souviendra de l’émission, l’avant-veille de la noël 2022, de billets pimpant neufs de 20 000 FC avec une drôle signature qui a fait à de faux vrais billets à l’opinion. À mi-mai 2024, les réserves de change de la BCC titillaient les 6 milliards de dollars, se chiffrant en effet à 5 633,69 millions de dollars, soit un niveau correspondant à 3,04 mois d’importations des biens et services. Comparée à la période correspondante de 2023, la Banque centrale a accumulé près de 1 466,99 millions de USD. Ces chiffres-records ne sont que du vent, de la poudre aux yeux, pour l’opinion.
– Mme Malangu joue au Blumenthal! –
Pour certains analystes, les contre-performances de la BCC dans le taux de change qui entraîne de graves incidences sur les prix de biens et services, ont pour genèse la conception “Fmiste” des finances publiques dans le chef de Mme Malangu. Diplômée de l’université libre de Bruxelles, avant d’être nommée à la tête de la Banque centrale du Congo (BCC), Malangu Kabedi a d’abord travaillé pendant une année au centre d’économie appliquée de l’université libre de Bruxelles, pendant deux ans à la Banque du Zaïre (actuelle BCC) au département des études. Elle a plutôt passé une très grande partie de sa carrière professionnelle au sein du FMI où durant 32 ans, elle a assumé de fonctions notamment de chef de division adjoint et chef de mission pour cinq pays, directrice du centre régional d’assistance technique du FMI pour l’Afrique de l’ouest, représentante résident du FMI au Bénin et au Cameroun, assistante du directeur de département Afrique, conseillère principale de l’administrateur chargé des pays africains francophones au conseil d’administration du FMI. Or ce n’est plus une révélation, nulle part sur le continent, le FMI en près de soixante ans de présence africaine, n’est parvenue à redresser les finances publiques d’un État.
L’institut d’émission, s’étonnent des experts, a préféré maintenir le taux directeur élevé, 25%! alors qu’elle soutient que l’inflation est en baisse. Dans ses notes de conjoncture hebdomadaires devenues sujettes à caution, la BCC soutient, en effet, qu’à mi-juin 2024, le taux d’inflation s’est affiché à 6,96% au 14 juin 2024 contre 8,40% à la même période en 2023. Et les coefficients de réserve obligatoire pour les dépôts de francs congolais à 10% et 0% pour les dépôts à vue et à terme. De même, pour les dépôts en devises, les coefficients de la réserve obligatoire restent inchangés à 13% et 12% pour les dépôts à vue et à terme, respectivement, a indiqué un récent communiqué de la BCC.
Le taux directeur est, en pratique, le taux appliqué par une banque centrale pour les prêts qu’elle octroie aux banques commerciales. Il permet de réguler l’activité économique. S’il est élevé, ce que la banque centrale s’emploie à lutter contre l’inflation. Plus le taux directeur est élevé, plus l’obtention de l’argent coûte cher aux banques commerciales. Et, en RDC, la population, les opérateurs économiques, les consommateurs paient le lourd tribut de cette politique. Mais il n’est que le FMI pour féliciter Mme Malangu, son produit !, “de la politique monétaire restrictive actuelle qui semble appropriée” pour Calixte Ahokpossi, chef de mission du FMI pour la RDC, qui a également salué “la volonté de la Banque centrale de prendre des mesures supplémentaires, si nécessaire, pour poursuivre la constitution de réserves internationales tout en préservant le rôle du taux de change en tant qu’amortisseur restent essentiels pour renforcer la résilience extérieure”. Il y a 45 ans, des déclarations similaires avaient valu à Blumenthal, représentant résident du FMI au Zaïre, une OQT, Obligation de quitter le territoire, comme on dit en France. Le général Eluki l’a exécuté, pas de manière commode! Dans ce contexte économique où le franc congolais connaît des turbulences continues sur le marché des changes, Félix Tshisekedi, sur qui, repose tout, ratés, couacs, bémols dans la gestion de la chose publique, doit évoquer un cas de force majeure pour remercier Mme Malangu et ses adjoints.