Ce jour-là, de nombreuses familles ont été contraintes de vider la cité stratégique de Bunagana. La plupart se sont réfugiés en Ouganda voisin alors que d'autres ont pris la direction des agglomérations jugées sécurisées du côté congolais dont Burayi, Ntamugenga, Rumangabo, Rubare, Rutshuru- centre, Kiwanja et autres.
Un mois après, ces réfugiés et déplacés disent traverser des moments difficiles.
« La vie n'est pas aisée ici. Nous n'avons ni nourriture, ni eau. Nous sommes exposés à toute forme d'intempéries. On nous demande seulement d'envoyer les malades dans des structures de santé les plus proches pour une prise en charge gratuite », témoigne Eugène Budacha, rencontré dans le camp des réfugiés de Bunagana, dans le district de Kisoro en Ouganda.
Il ajoute que certains réfugiés sont obligés de rentrer en RDC pour chercher quoi mettre sous la dent.
« De fois, nous traversons la frontière pour aller s'approvisionner en nourritures. Avant-hier, je suis allé dans mon champ de Kisiza. J'ai croisé les éléments du M23. Ils m'ont laissé récolter quelques produits de mon champ et m'ont même dit de demander à d'autres réfugiés de rentrer. Nous demandons aux autorités congolaises de pacifier notre cité. Nous avons besoin de retourner chez nous », a ajouté Eugène.
Et, à cette femme voisine de l'abri de Mr Eugène dans le camp de Bunagana d’ajouter :
« Nous vivons difficilement. Nous achetons l'eau. Si nous ne rentrons pas à Bunagana, nous ne trouverons pas à manger. Nous traversons par Kibaya parce que la douane est fermée. Nous avons besoin de retourner mais nous ne saurons pas tant que les rebelles du M23 sont encore là. Que nos autorités fassent tout pour mettre fin à cette guerre. Nous sommes fatigués de vivre dans ce camp », a dit Denise, originaire de Basigari dans la cité de Bunagana.
Les rebelles du M23 font payer des taxes à tout congolais qui traverse la frontière.
« Ils nous font payer en shillings (Ndlr : monnaie ougandaise). À chaque traversée, surtout quand on veut rentrer en Ouganda en provenance de la RDC, on est obligé de payer l’équivalent de 1 000 FC et entre 2 000 et 3 000 FC pour celui qui transporte un colis », témoigne, pour sa part, Emmanuel Nzainambaho, qui habite le camp de Kibaya.
Les députés provinciaux du Nord-Kivu, élus du territoire de Rutshuru, appellent, de leur côté, à l'assistance en faveur de ces populations en errance. Ils estiment qu'il est aussi grand temps pour la communauté internationale de demander au Rwanda de retirer ses troupes du sol congolais afin de permettre aux réfugiés et déplacés de retourner dans leurs entités respectives.
« Nous ne cessons d'alerter la communauté tant nationale qu'internationale sur cette question afin d'attirer leur attention pour épargner la population de toutes ces contrées qui se sont vidées suite à cette guerre. La population vit dans des conditions de non assistance dans des écoles, dans des familles d'accueil et il y a d'autres qui passent nuit à la belle étoile. Nous demandons à la communauté internationale d'interpeller le M23 avec son allié le Rwanda de cesser de faire souffrir notre population », a dit, à ACTUALITE.CD, le député provincial Élie Nzaghani, élu du territoire de Rutshuru.
Alors que la cité de Bunagana, poste frontalier avec l'Ouganda, situé en territoire de Rutshuru est sous occupation des rebelles du M23, depuis pratiquement un mois, les opérateurs économiques, réunis au sein de la fédération des entreprises du Congo (FEC), ont également décidé de suspendre tout trafic à l’importation et à l'exportation à partir de la douane de Kasindi dans le territoire de Beni. Les membres de l'association congolaise des commissionnaires agréés en douane (ACCAD) au Nord-Kivu ont d'ailleurs salué cette mesure qui vise à exiger plus de sécurité en faveur des commerçants dont les véhicules et marchandises sont, ces derniers temps, fréquemment incendiés par les présumés ADF sur axe Kasindi-Beni. Ils ont d'ailleurs demandé que des escortes militaires soient organisées sur cet axe, à l'instar de Kiwanja-Kanyabayonga et Beni-Bunia où des cas d'insécurité ont sensiblement diminué suite aux escortes militaires en faveur des usagers de ces axes.
Jonathan Kombi